« Thrombose veineuse profonde ». Les trois mots ont secoué la NBA et le basket français, Victor Wembanyama devant mettre un terme prématuré à sa saison, alors qu’il sortait de son premier All-Star Game…
Mais de quoi s’agit-il exactement ? « C’est un caillot, c’est-à-dire une sorte de gros grumeau qui se forme dans une veine, par un phénomène de coagulation, et qui finit par le boucher » nous explique Jean-Christophe Louchart, cardiologue du sport et vice-président de la commission médicale à la FFBB. « Une des caractéristiques des thromboses veineuses, c’est qu’elles démarrent à un endroit et qu’elles ont tendance à s’étendre. Le gros risque d’une thrombose veineuse, d’autant plus qu’elle est proche du cœur, c’est qu’elle peut migrer. Ça va arriver dans le cœur droit par la veine cave supérieure dans ce cas précis, passer dans le ventricule droit, et de là directement aux artères pulmonaires. Avec le risque de complication qu’est l’embolie pulmonaire, c’est-à-dire le fait de boucher un vaisseau veineux, qui amène le sang non oxygéné aux poumons. »
Avec des conséquences potentiellement dramatiques.
« Si vous faites une petite embolie pulmonaire, vous allez avoir un petit point de côté et être un peu gêné pour respirer. Le caillot va aller dans un tout petit vaisseau puis va naturellement se diluer et on en parlera plus. Mais ce qu’on m’a appris, c’est que le problème d’une embolie, ce n’est pas la première petite, c’est la grosse qui suit. Parce que si le caillot bouche deux ou trois grosses artères du poumon, vous risquez la mort subite. »
Des anticoagulants pendant trois à six mois
Une thrombose veineuse de l’épaule est d’autant plus inquiétante qu’elle est proche du cœur, dans une veine au diamètre large qui peut potentiellement permettre la formation d’un gros caillot, dont la migration dans le cœur puis dans les poumons pourrait être particulièrement grave. Il faut donc dissoudre au plus vite le bouchon.
« Le traitement d’une thrombose, et de ce risque de migration qui peut créer une embolie pulmonaire, c’est de tout faire pour dissoudre le caillot » continue Jean-Christophe Louchart. « Donc on va donner des anticoagulants, pendant trois à six mois. La durée va dépendre de la taille du caillot, de son étendue… Le traitement va rendre le sang plus liquide, et donc engendrer un risque de saignement ailleurs. Quand on est traité par anticoagulants, on ne peut ainsi pas pratiquer de sport de contact. »
Ça ne veut pas dire que Victor Wembanyama va totalement arrêter le sport pendant les prochains mois. Il pourra vite reprendre l’exercice, pour se maintenir en bonne condition physique. Par contre, il faut absolument proscrire les contacts ou les exercices qui entraînent potentiellement des chutes, pour éviter les risques d’hémorragie.
L’enjeu, pour « Wemby » et les Spurs, c’est désormais de comprendre pourquoi ce caillot s’est formé. Est-ce lié à des causes génétiques, familiales ? Est-ce que le Français est sujet à faire des thromboses, ce qui serait problématique pour la suite de sa carrière, à la manière d’un Chris Bosh, obligé de quitter les terrains NBA ?
Une paille trop pliée ?
« Les thromboses veineuses sont très rares chez les sujets, et les thromboses veineuses des membres supérieurs d’autant plus. Ça peut arriver dans des maladies de la coagulation ou qui sont liés à des problèmes génétiques, avec des gens qui ont une propension à fabriquer des caillots » poursuit Jean-Christophe Louchart. « Au niveau de l’épaule, c’est quelque chose qui est connu et qui a été décrit chez les jeunes sportifs, notamment en natation et en haltérophilie. Pourquoi ça se forme au niveau des racines des bras ? Parce qu’ils sont très sollicités et que ça chauffe. Toute la région est alors enflammée, avec des systèmes de frottement. On ne connait pas le mécanisme exact, mais c’est lié à des sollicitations importantes des épaules. »
C’est le syndrome de Paget-Von Schrotter, lié à une hypersollicitation de l’épaule.
« Imaginez une paille qui se courbe sans arrêt. On peut imaginer que dans l’épaule, il y ait des mouvements comme ça ou des réductions de calibre, dans une zone déjà chauffée, inflammatoire. Les thromboses veineuses, ça peut être favorisé par l’inflammation locale et une part de déshydratation. »
Car la déshydratation est « une source de souffrance des parois artérioveineuses, qui favorise des caillots. » Liée à la dépressurisation de la cabine, et associée au manque de mouvements, c’est notamment elle qui favorise les phlébites lors des trajets en avion, un facteur déclenchant potentiel pour les basketteurs de la NBA, qui passent leur vie dans les avions, même si c’est plutôt dans les membres inférieurs…
Plusieurs facteurs potentiels, qui s’accumulent
Dans la littérature scientifique, l’usage de stupéfiants ou de l’EPO est aussi lié à des thromboses. « L’usage de l’EPO augmente le nombre de globules rouges à l’intérieur du sang, et épaissit le sang. Et ça favorise donc le fait que ça se bouche. C’est de la tuyauterie » explique le vice-président de la commission médicale à la FFBB.
La « paille » peut également se boucher à cause d’un obstacle mécanique. C’est ainsi ce qui était arrivé à Brandon Ingram, également victime d’une thrombose veineuse profonde il y a quelques années, et qui avait réglé le problème en se faisant enlever une partie d’une cote qui faisait pression sur ses veines.
« C’est le syndrome du défilé, ça revient à l’histoire de la paille. Le trajet de la veine au niveau de l’épaule est compressé, parce qu’il peut y avoir une cote en plus ou le trajet peut être intramusculaire, entre les cotes et les muscles… En fait, il y a une compression quand le bras bouge et il peut y avoir une solution chirurgicale. »
Mais Jean-Christophe Louchart insiste : la thrombose va être favorisée par un ensemble de phénomènes qui vont s’accumuler et s’associer à l’instant T, comme dans tout accident. Il n’y a pas un seul facteur explicatif, mais plusieurs qui se superposent. L’essentiel, pour Victor Wembanyama et les Spurs, c’est de comprendre lesquels et les corriger s’il le faut, afin surtout d’éviter toute récidive. « Ce qui devrait raisonnablement, à terme, et comme dans la majorité des cas, lui permettre de poursuivre sa pratique au plus haut niveau » conclut le spécialiste.
Victor Wembanyama | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2023-24 | SAN | 71 | 30 | 46.5 | 32.5 | 79.6 | 2.3 | 8.4 | 10.6 | 3.9 | 2.2 | 1.2 | 3.7 | 3.6 | 21.4 |
2024-25 ☆ | SAN | 46 | 33 | 47.6 | 35.2 | 83.6 | 1.8 | 9.2 | 11.0 | 3.7 | 2.3 | 1.1 | 3.2 | 3.8 | 24.3 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.