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Patrick Ewing, Empire Knick Building (suite et fin)

Il est rare qu’un joueur incarne une franchise au point de ne faire plus qu’un avec l’équipe. Ce fut le cas, dans les années 90, du n°33 des Knicks. « Quand vous pensez à New York, vous pensez à Patrick Ewing », soulignait Michael Jordan qui fut son alter ego chez les Bulls.

« The Beast », c’est 15 saisons passées au service de « Big Apple », dans la quête obsessionnelle du titre NBA et avec un engagement total. Parce qu’il se trouva toujours quelqu’un pour lui confisquer la bague tant convoitée, le grand Pat fit de tristes adieux à la ville qui ne dort jamais.

On discutera longtemps la légende d’un pivot à l’image brouillée, qui eut des rapports parfois délicats avec le public. Un personnage définitivement complexe…

(suite de la 1ère partie)

L’affiche Houston-New York offre une revanche de rêve au pivot des Rockets Hakeem Olajuwon, défait 10 ans plus tôt en finale NCAA avec les Cougars (et battu 4-2 par les Celtics dans la Finale 1986). Cela fait une décennie que les deux intérieurs stars courent après la consécration en NBA. Olajuwon a tourné à 27.3 points (52.8%), 11.9 rebonds et 3.7 contres en saison régulière. Ewing à 24.5 points (49.6%), 11.2 rebonds et 2.7 contres.

« Quand je regarde Hakeem, je vois la même soif de victoires que la mienne », explique Ewing qui a dépassé en novembre Walt Frazier comme meilleur scoreur de l’histoire des Knicks. « C’est un grand joueur et je suis un grand joueur. Tous deux, nous avons fait à peu près tout ce qu’il était possible de faire dans cette Ligue, à part gagner le titre. Observez-nous, nous avons le même regard, la même détermination, la même rage de vaincre. J’ai gagné au lycée. J’ai gagné à la fac. J’ai deux médailles d’or olympiques. Maintenant, je veux faire partie d’une équipe championne NBA. »

O.J. Simpson éclipse la Finale

Pour cette Finale 1994, les barbelés sont tirés en défense. Aucune équipe ne marquera plus de 93 points. Un événement insolite se produit après le Game 3, alors que Houston mène 2-1 (chaque finaliste s’est incliné une fois à domicile). Le Madison Square Garden accueille simultanément le plus grand rendez-vous NBA de la saison et les Finales de la Stanley Cup. Le mardi 14 juin, les New York Rangers sont sacrés champions NHL face aux Vancouver Canucks (4-3). Le Game 4 Knicks-Rockets a lieu 24 heures plus tard. Le succès des Rangers est une vraie source d’inspiration pour les joueurs de Pat Riley. Ils ont regardé la rencontre. Anthony Mason était même présent au match. Avant la quatrième manche de la Finale NBA, le capitaine des Rangers Mark Messier fera un tour dans les vestiaires new-yorkais avec le trophée.

Les Knicks prennent les Games 4 et 5 quasiment sur le même score (91-82 et 91-84). Ce Match 5 a lieu le jour de la parade des Rangers à Manhattan, devant 1,5 million de personnes. Un autre événement fait la Une en ce vendredi 17 juin : la course-poursuite entre O.J. Simpson et la police de Los Angeles. L’ancien coureur des Buffalo Bills est suspecté d’avoir tué son ex-épouse et l’ami de celle-ci. Les écrans de télé US offrent un spectacle surréaliste, la retransmission du match étant reléguée dans un coin pour permettre aux Américains de suivre en live la traque du running back Hall of Famer dans sa Ford Bronco…

Les Knicks repartent dans le Texas avec un avantage de 3-2 (25 pts, 12 rbds, 8 cts pour Pat dans le Match 5). A la dernière seconde du Game 6, John Starks prend le shoot du titre derrière l’arc. Contré – avec une faute ? – par Hakeem Olajuwon dans ce qui est considéré comme l’un des plus grands clutch plays défensifs de l’histoire. Victoire des Rockets 86-84. La septième manche se tient le mercredi 22 juin. Un voyage au bout de l’enfer pour une équipe de New York qui dispute là son 25e match des playoffs 1994, record égalé par les Pistons en 2005 et battu par les Celtics en 2008. La perf de Starks dans ce Match 7 (2/18 aux tirs, 0/11 à 3 pts) est pour beaucoup dans la faillite de « Gotham » qui s’incline 90-84 et abandonne le titre aux Rockets. Mais les regards se tournent inévitablement vers Pat Ewing, copieusement dominé par son rival de toujours.

Soir après soir, Olajuwon prouve qu’une classe le sépare du pivot des Knicks. Sur la série, « The Dream » a tourné à 26.9 points (à 50%) contre 18.9 (à seulement 36.3) pour « The Beast ». A 31 ans, Hakeem est au sommet de son art. Il fait main basse sur les trophées de MVP, MVP des Finales et Défenseur de l’année, exploit jamais réalisé ni réédité. Olajuwon est définitivement un pivot à part : ce n’est pas seulement un aspirateur à rebonds et une machine à contrer, c’est aussi un intercepteur redoutable (seul centre dans le Top 10 des steals en carrière). Et surtout, c’est un attaquant prodigieux, qui se déplace à la vitesse de l’éclair et qui réalise toujours le geste parfait. Son passé de footballeur lui a donné une variété de feintes infinie et un jeu de jambes étourdissant pour un basketteur de sa taille.

Son jeu dos au panier, tout en fakes et spin moves – le fameux « Dream Shake » -, est un modèle du genre. Hakeem possède une adresse diabolique et c’est aussi un bon dribbleur. Patrick Ewing n’a tout simplement pas les armes pour contenir, sinon dominer le meilleur intérieur de la décennie 90, qui aura surclassé tous ses rivaux (O’Neal, Robinson). Ses 87 rebonds à 64 n’y changent rien. Ses deux records aux contres – 30 sur la série, battus par les 32 de Tim Duncan en 2003 ; 8 dans le Game 5, battus par Dwight Howard en 2009 – non plus. A l’occasion du dixième anniversaire du premier titre de la franchise, Carroll Dawson, ex-assistant coach des Rockets devenu GM, expliqua l’état d’esprit qui animait le groupe :

« Le titre des Rangers nous a autant motivés qu’il a motivé New York. Les joueurs ont vu comment la folie pouvait s’emparer d’une ville. Ils ont regardé la parade. On dit que ce fut un soutien moral pour les Knicks mais ce fut également valable pour nous. Les joueurs ont voulu ce titre encore plus. Les fans de « Big Apple » attendaient le titre NHL depuis 54 ans. Il n’y eut rien de meilleur. Les habitants de Houston étaient dans le même cas de figure, l’équipe n’ayant jamais rien gagné. »

Michael Jordan revient, Pat Riley s’en va

Michael Jordan toujours absent, les Knicks abordent la saison 1994-95 dans la peau de contenders à l’Est. Sixième meilleur scoreur de la Ligue (23.9 pts) et quatrième meilleur rebondeur (11 prises), Ewing mène les siens à la 2e place de la division Atlantic (50-32), derrière Orlando. Cleveland est vite expédié au premier tour (3-0).

La demi-finale de Conférence face aux Pacers vire au cauchemar avec les 8 points de Reggie Miller en 9 secondes dans le Game 1. Indiana s’adjuge les Matches 1, 3, 4 et 7 (97-95 au Madison Square Garden) et prend sa revanche, un an après son revers en finale de Conférence. Diminué par des douleurs au mollet, le n°33 new-yorkais tourne à 19 points et 9.6 rebonds sur la série. Son finger roll pour l’égalisation à la dernière seconde du match décisif rebondit sur le cercle. Un canard de sport, considérant comme beaucoup qu’il s’agit du plus gros ratage de sa carrière, lui demande s’il n’est pas temps, à 32 ans, de se retirer… Son shoot victorieux dans le Game 5 (96-95) ? Vite oublié.

Début juin 1995, « The Beast of the East » subit une arthroscopie pour faire réparer un cartilage du genou droit, genou déjà opéré l’année précédente. Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, le come-back de Michael Jordan dans l’Illinois est suivi du départ de Pat Riley à Miami. Un vrai coup de massue pour l’intérieur d’origine jamaïquaine qui atteindra les 20 000 points en carrière l’année suivante.

« J’aurais aimé que Pat reste. Je le considère comme un coach extraordinaire. Il a aidé la franchise à se hisser là où elle est, c’est indiscutable. Il nous manquera énormément. »

Don Nelson prend le relais sur le banc et se met rapidement à dos une partie du vestiaire. Adepte d’un style up-tempo, « Nellie » ne veut plus entendre parler jeu placé, grosse défense et matches en 85 points. Son dada, c’est l’attaque accélérée et les tirs en première intention, même s’il n’a clairement pas l’effectif adapté. En coulisses aussi, la tension monte. Nelson fait bondir Dave Checketts, le GM, en parlant d’échanger Ewing pour libérer du cap et faire une grosse offre au futur free-agent Shaquille O’Neal.

Le successeur de Pat Riley est largement au-dessus des 50% de victoires (34-25) mais une série de neuf défaites en 13 matches lui est fatale. Checketts en profite pour le débarquer. Jeff Van Gundy, jusque-là assistant, prend les commandes de l’équipe. Au printemps, Ewing connaît sa cinquième élimination face aux Bulls (4-1 en demi-finales de Conférence), l’équipe aux 72 succès… battue deux fois en saison régulière. Patrick sait New York dans une impasse et appelle à un renforcement du roster.

« Ce groupe a passé beaucoup de temps ensemble. Nous n’avons pas atteint notre but. »

Traduction : il faut du changement. Le bûcheron aux mains d’or Anthony Mason est cédé à Charlotte contre Larry Johnson. Allan Houston, free-agent à Detroit, accepte de rejoindre les Knicks. Dans sa troisième saison NBA, le n°13 de la draft 1993 s’est affiché à 19.7 points de moyenne. Il prendra la place de John Starks dans le cinq de départ. Pour la première fois depuis le départ de Bernard King, Patrick Ewing peut compter sur une menace extérieure consistante, ce qui sera encore plus vrai avec le renfort de Latrell Sprewell. A la mène, c’est beaucoup moins génial (Charlie Ward, drafté en 1994, et Chris Childs, signé comme free-agent) mais le joueur le mieux payé de la Ligue – 16 M$ la saison, battus par les 25 de Jordan – applaudit la campagne de recrutement menée en cet été 1996.

« On m’a enfin entouré de joueurs au calibre All-Star. Je pense que toutes nos recrues sont d’excellents basketteurs. »

Le vice de Miami

Jeff Van Gundy met du temps à trouver la bonne formule mais New York (57-25) attaque les playoffs avec un cinq et une rotation enfin cohérents. Charlotte est sweepé au premier tour. En demi-finales de Conférence, « Gotham » retrouve Pat Riley, assis sur le banc du Heat. Miami, champion de la division Atlantic, est au bord de l’élimination. A 3-1, les Knicks ont la série en main mais une bagarre éclate à la fin du Game 5 suite à une altercation entre Charlie Ward et P.J. Brown. Patrick Ewing a le tort de se lever du banc, comme Larry Johnson, John Starks et Allan Houston. Ewing, Houston et Ward sont suspendus pour le Match 6. Johnson et Starks pour un éventuel Match 7.

« Cette sanction est complètement disproportionnée », commente le pivot. « Je n’ai fait que me lever et marcher. Avec cette suspension, ils me flinguent. »

Pas seulement Ewing : les Knicks et la série aussi. Miami s’impose 95-90, 101-90 et gagne le droit de se faire découper en rondelles par Chicago en finale de Conférence. Les fans de « Big Apple » ne pardonneront jamais à Pat Riley qu’ils soupçonnent d’être à l’origine de l’incident. Au cours de l’été, New York offre à l’autre Pat un contrat de 4 ans et 65 millions de dollars (sa carrière lui en rapportera 120). Il a 34 piges. Sa carrière doit logiquement s’achever chez les Knicks.

« Tout a commencé à New York et il y a de fortes chances que tout se termine à New York. J’ai passé 12 ans ici, je souhaite que mon aventure NBA prenne fin chez les Knicks. Les fans de cette équipe méritent un titre et j’espère le leur offrir durant la fin de mon séjour. »

Sa carrière est à deux doigts de s’achever le 11 janvier 1998 au Bradley Center. A Milwaukee, Andrew Lang pousse Ewing alors que celui-ci tente de dunker sur une passe de Charlie Ward. Le n°33 s’écrase lourdement au sol. Poignet droit disloqué. Rupture des ligaments. La blessure est spectaculaire au possible : on voit un os dépasser… La saison du pivot new-yorkais est déjà finie. Il n’avait manqué que 20 matches en 10 ans, il doit en louper 56 d’un coup.

New York se classe deuxième de sa poule, fait illusion contre Miami (3-2) avec Jeff Van Gundy accroché à la jambe d’Alonzo Mourning mais pas contre Indiana (4-1). Patrick a fait son retour lors du Match 2. Il a bossé très dur en salle de rééducation mais n’a pas retrouvé toutes ses sensations au niveau du poignet. Et puis la bête est blessée. Moins robuste, moins véloce. Cela fait plus d’une décennie que Pat, adepte des régimes végétariens, traîne sa grande carcasse sur les parquets NBA. Il arbore régulièrement des protections aux genoux. Le pivot de « Big Apple » a l’air rafistolé de partout mais il est toujours debout. Les médecins l’avaient condamné. A tort.

« Cette blessure m’a gravement affecté. Je m’en rendais bien compte : mon shoot n’était plus aussi pur, aussi soigné. Mais bon, je pouvais toujours shooter et donc planter des points. »

« Je pensais être un gros bosseur. Je suis le premier arrivé aux entraînements mais quand je débarque, Patrick est déjà là depuis une heure… », rapportait Larry Johnson au sujet de sa rééducation.

En tant que président de l’association des joueurs (élu pour 4 ans en 1997), Ewing est en première ligne pour la négociation du nouveau Collective Bargaining Agreement. L’impossibilité de trouver un accord satisfaisant pour tous débouche sur une grève qui amputera l’exercice 1998-99 de 32 matches. Lorsque la saison démarre, « l’Empire Knick Building » a 36 ans. Pour la première fois, il va descendre sous la barre des 20 points (17.3 pts, 9.9 rbds, 2.6 cts).

Avec les départs de John Starks et Charles Oakley, une page s’est tournée. Les Knicks accueillent Latrell Sprewell, scoreur prolifique à Golden State, Marcus Camby, intérieur prometteur à Toronto, et Kurt Thomas, travailleur de l’ombre dur au mal. La deuxième retraite de Michael Jordan redistribue les cartes. Au lendemain du lock-out, personne ne sait à quoi s’attendre. La Floride domine la division Atlantic avec deux équipes à 33-17 (Miami, Orlando). New York obtient son billet pour les playoffs de justesse (27-23).

« Allez chercher ma bague ! »

Comme toujours, les séries Heat-Knicks sentent le soufre. Les deux équipes se détestent. La tête de série n°8 pousse le n°1 jusqu’à un Match 5. Miami mène 77-76 à 2.7 secondes de la fin. Allan Houston réussit alors le panier le plus important de l’histoire de la franchise. Il pénètre et balance la balle depuis la ligne des lancers. Le ballon rebondit sur l’arceau avant de tomber dans le cercle. Game over. En demi-finales, Atlanta est sweepé, notamment par l’entremise de Marcus Camby qui se rachète d’une petite saison en apportant 11 points et 13 rebonds dans le Game 2. Pour la cinquième fois en 10 ans, New York trouve Indiana sur sa route. Patrick Ewing apprend après le Match 2 qu’il joue avec un tendon d’Achille partiellement déchiré. Il est contraint de quitter ses camarades, le cœur en bouillie. Son message s’étale à la Une de la presse new-yorkaise :

« Allez chercher ma bague ! »

Côté Pacers, Mark Jackson et Rik Smits avaient ironisé sur la gravité de la blessure, pensant qu’il s’agissait d’une manœuvre pour rendre Pat plus populaire… L’action à 4 points de Larry Johnson dans le Game 3 a été retracée courant août sur Basket USA. Dans le Match 6, « L.J. » est contraint à son tour de quitter le parquet, touché au genou. Mais Allan Houston est dans un grand soir (32 pts), contrairement à son adversaire direct (3/18 pour Reggie Miller). Les hommes de Jeff Van Gundy s’imposent 90-82 et 4-2 dans la série.

Cinq ans après leur défaite face aux Rockets, les Knicks sont de retour en Finales. Pour trouver trace d’une équipe atteignant ce stade avec une fiche en saison régulière aussi médiocre, il faut remonter à 1981 (40-42 pour les Rockets). En l’absence de Pat Ewing, le duo Tim Duncan-David Robinson offre un avantage de taille décisif aux Spurs. A eux deux, Kurt Thomas et Marcus Camby ne rapportent que 15.2 points par match (plus 15.4 rbds et 2 cts). En face, les « Twin Towers » pèsent 44 points, 25.8 rebonds et 5.2 contres. Victoire de San Antonio 4-1 malgré les 26 points de moyenne de Latrell Sprewell et les 21.6 d’Allan Houston. Sans son pivot, « Big Apple » a posté un 4-5 en playoffs. Avec lui, un 8-3. Année définitivement pourrie puisqu’en septembre, le grand absent des Finales est victime d’un cambriolage. On lui dérobe pour 300 000 $ de biens dans sa propriété d’Englewood Cliffs (New Jersey).

Le dunk d’Ewing à 1’21 de la fin du Game 7 de la demi-finale de Conférence 2000 permet à New York d’éliminer Miami pour la troisième année de suite. Au lendemain d’une finale de Conf’ perdue contre Indiana (4-2) et faute d’un accord pour une prolongation de contrat, les Knicks prennent la décision très controversée d’échanger le vieux lion, qui avait de beaux restes (15 pts et 9.7 rbds sur 62 matches de saison régulière).

Après 15 ans de bons et loyaux services, Pat prend la direction de Seattle dans un échange à quatre équipes. Glen Rice, Vernon Maxwell et Luc Longley rejoignent les Knicks. Sur un plan purement sportif, la manœuvre présente un intérêt limité : l’équipe avait déjà son quota de shooteurs. Sur un plan symbolique, elle est extrêmement maladroite. Patrick avait 15 ans de maison. Même à l’agonie, il aurait dû finir sa carrière dans son équipe de toujours. C’est le sentiment du Shaq, auteur d’une formule lapidaire :

« On ne transfère pas une légende ».

Chez les Sonics, Ewing rapporte 9.6 points sur 26.7 minutes. L’équipe part en vacances en avril. Free-agent, il s’offre un dernier challenge à Orlando, à 39 ans, avec le n°6, celui qu’il porta lors des Jeux de Los Angeles et Barcelone. Toujours privé de Grant Hill (16 matches seulement), le Magic empoche 44 victoires et disparaît au premier tour des playoffs face à Charlotte (3-1). Le 17 septembre 2002, Patrick Aloysius Ewing annonce sa retraite après 17 saisons dans la Ligue. Pas de titre mais deux Finales, 11 All-Star Games, 7 citations All-NBA, 3 apparitions dans le deuxième cinq défensif et 6 places dans le Top 5 pour l’élection du MVP de la saison régulière.

« Il y a de bons souvenirs et de mauvais souvenirs mais ce sont des souvenirs quand même. Nous étions si près en 1994… Contre San Antonio, je n’ai malheureusement pas pu tenir ma place. Ce fut le truc le plus dur à avaler. J’étais assis sur le banc à écouter les fans des Spurs hurler et je ne pouvais rien tenter pour essayer de les faire taire. Ça m’a brisé le cœur. »

Assistant au Magic, il coache son fils

La partie est terminée mais le grand Pat ne peut s’imaginer vivre loin des parquets en faisant de la muscu, du shopping et en écoutant du blues et du reggae, ses deux grandes passions. Coach ? Il n’y a jamais pensé. Michael Jordan s’en charge pour lui.

« Je ne me voyais pas passer mes journées à la maison, assis à ne rien faire. Mike m’a offert un poste à Washington. J’ignorais si le boulot de coach était susceptible de me plaire, c’était l’occasion de le savoir. J’ai apprécié cette expérience et je suis resté. Quand Washington a remercié Mike, Jeff Van Gundy, mon ancien coach chez les Knicks, m’a sollicité. J’ai accepté un poste d’assistant à Houston mais j’ai beaucoup réfléchi. Travailler pour les Rockets après ce qui s’était passé en 1994, c’était délicat… Je m’éclate dans cette nouvelle vie. J’apprends énormément. Bien sûr, j’espère devenir head coach un jour. A quoi bon vous lancer dans quelque chose si ce n’est pas pour devenir le meilleur ? »

Le 3 juillet 2007, Ewing est engagé par le Magic comme assistant pour la première saison de Stan Van Gundy sur le banc. Après s’être occupé des cas Kwame Brown et Yao Ming, il est chargé de faire progresser Dwight Howard en attaque. Les Knicks n’ont jamais fait appel à lui et beaucoup – notamment sur ce site – s’en sont étonnés. Depuis le départ de Jeff Van Gundy, New York a usé six coaches (Don Chaney, Herb Williams, Lenny Wilkens, Larry Brown, Isiah Thomas, Mike D’Antoni). Il n’a jamais été question d’intégrer Ewing dans le staff. Ce qui ressort de nos différents reports aux States, c’est que Pat affronterait la même défiance que lors de son séjour à la fac. Certains estimant qu’il n’a pas le bagage intellectuel requis pour le poste…

Ces dernières semaines, il eut l’occasion d’entraîner pour la première fois son fils, engagé par le Magic pour une summer league. Patrick Ewing Jr effectua sa dernière année de fac chez les Hoyas, coaché par John Thompson III, le fils de celui qui avait entraîné papa. Retenu en 43e position de la draft 2008 par Sacramento, il transita par Houston et New York avant d’être engagé par les Reno Bighorns, en D-League. Durant l’été, il réapparut pour la Pro Summer League d’Orlando.

Depuis 1990, Patrick est marié à Rita Williams. Rita étudiait le droit. Elle effectua un stage d’été dans l’équipe du sénateur Bill Bradley, champion NBA avec les Knicks en 1970 et 73, et rencontra Pat alors que celui-ci bossait au Congrès, attaché au service de Bob Dole (Bradley et Dole furent tous deux candidats à la présidentielle américaine). Ils eurent deux filles, Randi et Corey. La chair étant faible, Ewing a traîné – comme beaucoup d’autres – quelques affaires de mœurs peu glorieuses. On lui prêta une aventure extraconjugale avec une danseuse des Knicks. En 2001, il témoigna dans une affaire de prostitution visant un club de strip-tease d’Atlanta. Le proprio soutenait qu’il avait payé des danseuses pour qu’elles aient des relations sexuelles avec des sportifs pros. Ewing reconnut être allé au club une dizaine de fois et avoir bénéficié d’une petite gâterie à deux reprises mais rien d’autre. Aucune charge ne fut retenue contre lui.

La presse sportive rapporta un autre épisode peu reluisant, jamais confirmé par l’intéressé. Depuis toujours, le pivot des Knicks est avare en autographes, préférant une bonne poignée de mains. Un après-midi, il aurait été conduit dans un service hospitalier pour enfants atteints d’une maladie en phase terminale. Ces gamins condamnés par la médecine se faisaient une joie de rencontrer une légende vivante du basket US. Ewing, lui, goûte peu ce type d’opérations. Il aurait ruminé tout au long du trajet de l’hôpital et aurait fini par écourter sa visite. Aux enfants lui demandant un autographe, Patrick aurait déclaré :

« Je ne signe jamais d’autographes les jours de match… »

Parce que chaque homme a sa part d’ombre et qu’on ne saurait résumer sa vie à ses actes les moins inspirés, on précisera qu’Ewing proposa aussi de donner un rein à Alonzo Mourning lorsque celui-ci eut besoin d’une transplantation. Il était donneur compatible mais le cousin de « Zo » apparut comme un meilleur choix. Il y eut d’autres œuvres charitables. En 1994, il se rendit en Afrique du Sud avec Dikembe Mutombo et Alonzo Mourning pour une série de clinics.

Un Hall of Famer sous le feu des critiques

C’est peu dire que Patrick Ewing aura entretenu des rapports compliqués avec le public et pas seulement le sien. Bien sûr, lorsque son maillot est retiré le 28 février 2003 à la mi-temps du match New York-Orlando (Houston a retiré le n°34 d’Olajuwon en novembre 2002…), les spectateurs du Madison n’ont qu’un blaze sur les lèvres. Plusieurs minutes avant la pause, le public se met à scander le nom de son héros. Qu’on aime ou pas le personnage, « The Beast » a redonné vie et fierté aux Knickerbockers. Son dévouement à la franchise fut rarement pris en défaut pendant 15 ans. Ewing est un nom qui parle aux gens (pas seulement à cause de la série « Dallas »…). En 2009, 13 ans après sa participation au film « Space Jam », Snickers sortait encore un spot de pub dont il était le héros (mangez une barre et faites-vous dunker dessus par Patrick « Chewing »).

« Patrick a un cœur de champion », disait Michael Jordan. « Quand vous pensez à New York, vous pensez à Patrick Ewing. Il est arrivé et a redonné vie à cette équipe. »

Des reproches, évidemment, il y en eut. Ils refirent surface en avril 2008, lorsqu’on apprit qu’Ewing deviendrait Hall of Famer dès sa première année d’éligibilité, en compagnie d’Hakeem Olajuwon (inséparables, ces deux-là…) et de Pat Riley. Prenant le contre-pied des médias new-yorkais, quelques journalistes s’appliquèrent à déboulonner la statue du Commandeur. Canoniser le n°33 ? Pas si vite !

« Après son départ de Georgetown, Pat s’est complètement désintéressé de la défense pour se concentrer uniquement sur son scoring. Son égoïsme était légendaire. Il n’a jamais compris les nuances les plus subtiles du jeu. Les fans de la première heure n’ont pas oublié ses saucissons balancés dans le moneytime. Quand un journeyman avait le malheur de critiquer Ewing parce qu’il ne jouait pas en défense ou ne s’entraînait pas assez, il était coupé dès le lendemain. Lorsque Don Nelson songea à bâtir son attaque sans Ewing, lui-même se retrouva à la porte », écrivit un reporter de « Dime Magazine ».

Un tacle qui renvoyait à l’analyse faite par Hugo Lindgren pour « Slate » dès 2002.

« Il y a deux façons de considérer sa carrière. La belle version, c’est que Pat fut l’un des meilleurs centres de l’histoire et que seule l’incapacité des Knicks à le doter de bons coéquipiers l’empêcha d’atteindre son but. L’autre, c’est que c’était un joueur entêté, sans imagination, qui se croyait meilleur qu’il n’était et qui mena l’équipe à sa perte par son obsession à être l’option n°1 en attaque. C’était un clone de Bill Russell mais cela ne lui suffisait pas. Il voulait être un scoreur à la Wilt Chamberlain et les Knicks le voulaient aussi. Il devint l’un des meilleurs pivots de l’histoire avec son fadeaway jump shot ligne de fond, difficile à réussir et quasiment impossible à défendre. Il vécut de plus en plus loin du panier. Les Knicks auraient dû mettre un terme à cela dès qu’ils s’en aperçurent. La taille devient un avantage toujours plus décisif à chaque pas que vous faites vers le cercle. »

« New York a perdu la tête, pensant que l’équipe avait seulement besoin d’entourer son big man avec des joueurs unidimensionnels qui ne demanderaient pas la balle. Alors ils ont recueilli des éléments rejetés ailleurs – John Starks, Anthony Mason – et d’autres dont la carrière était sur le déclin – Xavier McDaniel, Rolando Blackman, Derek Harper, Larry Johnson. Mais Ewing ne produisait jamais assez d’attaque pour porter les Knicks. Leur défense dans la raquette et leur rebond offensif ont commencé à souffrir parce que Patrick ne bossait plus sur ce qui avait fait de lui une star à Georgetown. Dans les Finales 1994, le meilleur boulot de couverture sur Olajuwon n’a pas été réalisé par Ewing mais par Anthony Mason, qui faisait presque une tête de moins… »

« Avec la complicité du staff et du front office, Ewing s’est établi comme la seule option offensive légitime et rien ne put changer cela. Don Nelson a essayé de reconstruire l’attaque. C’était une idée à la fois brillante et stupide. Brillante parce qu’il avait vu les limites de Patrick. Stupide parce qu’il voulait transformer Mason en point forward. Ewing ne pouvant tolérer d’être éclipsé, Nelson et Mason ont quitté la ville. Si ses coaches avaient réalisé que son potentiel aurait été meilleur comme clone de Russell, ils auraient développé la puissance offensive de l’équipe et trouvé plus de shooteurs. Assez pour battre un Jordan au top ? Non. Mais assez pour profiter de son absence en 1994, 95 et 99 et peut-être briser la malédiction qu’Ewing va maintenant trimbaler pour l’éternité. »

Quelle place dans l’histoire ?

En jetant un œil au palmarès plus bas, vous noterez que l’intéressé disparut du deuxième cinq défensif après 1992… Bien sûr, l’ami Patrick n’eut jamais de Scottie Pippen. Mais après tout, Houston fut champion en 1994 avec un deuxième scoreur à seulement 14 points de moyenne (Otis Thorpe). Même remarque pour San Antonio en 2003 (Tony Parker à 15.5 pts). Hakeem Olajuwon et Tim Duncan furent assez forts pour s’imposer sans lieutenant.

S’appuyant sur le scénario des playoffs 1999, Bill Simmons (ESPN) conçut de son côté la « Théorie Ewing ». Il est une idée répandue qui veut qu’une équipe joue parfois mieux sans son franchise player. Quand votre meilleur élément n’est pas là pour vampiriser le jeu, les autres prennent leurs responsabilités et le collectif en sort gagnant. Pour Simmons, le parcours des Knicks en 1999 prouve que l’absence d’Ewing n’était pas si préjudiciable. Evidemment, la démonstration bute sur le résultat des Finales. Et son argumentation devient alors très faible : « Ewing Theory » ou pas, New York était trop limité en taille…

Huit ans après le départ du grand Pat, figure incontournable de la NBA des années 90 et membre du C.L.S. (Club des Losers Sublimes), on continue de refaire le match ! Les séries face aux Bulls, aux Pacers et au Heat sont devenues des classiques. « Slam » l’a classé 36e de son Top 50 des joueurs de l’histoire. Seuls Walt Frazier et Willis Reed peuvent prétendre avoir fait plus pour New York. Oui, le 21e meilleur scoreur de tous les temps (24 815 pts), icône de la Mecque du basket, fait partie du Top 10 des pivots « all-time ». Mais plutôt dans le troisième chapeau.

Le premier réunirait Kareem, Wilt et Bill (à vous de les classer). Le deuxième Hakeem, Shaquille et David Robinson (idem). Même avant de connaître la consécration, les deux derniers eurent un petit truc en plus. Entre 1992 et 1999, le Shaq était déjà un Hercule des parquets (27 pts, 12 rbds et 2.55 cts de moyenne). Robinson, lui, était un athlète sublime, aussi véloce et mobile qu’un arrière, décevant en playoffs, moins costaud mentalement mais plus complet des deux côtés du parquet (record à 71 pts, un quadruple-double comme Olajuwon).

Finalement, le seul tort de Patrick Ewing fut peut-être de naître cinq et six mois avant les deux joueurs qui ont trusté tous les titres NBA de 1991 à 98…

Stats

17 ans

1 183 matches (1 122 fois starter)

21 pts, 9.8 rbds, 1.9 pd, 1 int, 2.4 cts

50.4% aux tirs, 15.2% à 3 points, 74% aux lancers francs

Palmarès

All-Star : 1986, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97

All-NBA First team : 1990

All-NBA Second team : 1988, 89, 91, 92, 93, 97

All-Defensive Second team : 1988, 89, 92

Rookie de l’année 1986

All-Rookie First team : 1986

Champion olympique : 1984, 92

Champion NCAA 1984

Retenu parmi les 50 meilleurs joueurs de l’histoire

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