Il y a 10 ans, Jason Kidd réveilla une équipe de New Jersey donnée pour cliniquement morte avec une parfaite utilisation de la « Princeton offense ».
Cette démonstration de basket collectif mena les Nets deux années de suite en Finales NBA, en 2002 et 2003. Face aux Lakers de Shaq et Kobe, en 2002, le trio Kidd-Jefferson-Martin toucha ses limites.
Retour sur une épopée malheureusement reléguée aux oubliettes.
1ère partie
2ème partie
La demi-finale de Conférence Est 2002 face aux Hornets, alors implantés à Charlotte, est une promenade de santé (4-1). Pour la première fois, les Nets atteignent l’ultime étape avant la Finale NBA. Adversaire en finale de Conférence : les Celtics, emmenés par la paire Paul Pierce -Antoine Walker. Après avoir égalisé à 1-1, Boston se retrouve mené de 21 points au Fleet Center, dans le quatrième quart-temps du Game 3. Les hommes de Jim O’Brien signent un come-back d’anthologie pour s’imposer 94-90. On craint le pire pour les Nets, littéralement K.-O. debout. Mais New Jersey remporte les trois manches suivantes. Touché à l’œil gauche, Jason Kidd a dû recevoir 32 points de suture. Il s’en fiche : le voilà, à 29 ans et dans sa huitième saison NBA, en Finales.
Jason Kidd : « Byron Scott a gardé son mental de joueur »
On vient d’assister à la plus spectaculaire des mues. Kidd a découvert la potion magique. En six mois, il a transformé les cancres de l’Eastern en premiers de la classe (total de victoires multiplié par deux, de 26 à 52). Jamais, depuis 1976, date de leur arrivée en NBA, les Nets n’avaient remporté le titre de leur division ou celui de leur Conférence. Dans « Mondial Basket », le gourou de New Jersey se confie.
– Si on te dit New Jersey, à quoi penses-tu tout de suite ?
Jason Kidd : Aux Nets et à la circulation aux alentours. Je pense que j’ai eu plus de mal à m’adapter à la conduite dans le coin qu’à mes nouveaux coéquipiers !
– Transformer les Nets en leader de la Conférence, c’est fort…
J.K. : Nous avons découvert ensemble deux choses : la patience et l’agressivité. Chacun a eu à trouver sa place dans l’équipe. Les Nets avaient la réputation d’être bordéliques et égocentriques. Ce n’est pas ce que j’ai découvert. Dans cette équipe, on s’apprécie mutuellement et on rigole en permanence. On a aussi la chance d’avoir un coach, Byron Scott, qui a gardé son mental de joueur. Il sait comment faire vivre un groupe.
– Que penses-tu de ton échange avec Stephon Marbury qui, lui, a loupé les playoffs avec Phoenix ?
J.K. : Il est tout de même All-Star. Je ne suis pas du genre à faire des comparaisons individuelles. Les Suns ont voulu m’échanger. Je suis content de ma situation actuelle.
– Quel est ton secret pour rendre tes partenaires meilleurs ?
J.K. : Je crois en eux. Quand je suis sur le parquet, je ne cherche jamais à passer la balle à untel ou untel sous prétexte qu’il est une star. Je fais la passe à celui qui est le mieux placé pour réussir le panier le plus facile. Une fois que tout le monde se sent impliqué, vos coéquipiers jouent plus libérés. Et ils se mettent à croire en vous.
– Qui peut toucher à la couronne des Lakers ?
J.K. : Houla… Ils ont actuellement les deux meilleurs joueurs du monde. Si jamais vous trouvez quelqu’un qui peut arrêter le Shaq, je vous en prie, présentez-le moi vite ! Tant que Kobe et lui seront sur le parquet, je vois mal une équipe détrôner Los Angeles.
– Quelle est la principale différence entre les fans des Suns et ceux des Nets ?
J.K. : Dans l’Arizona, ils sont un peu dingues… Ici, on a affaire à des connaisseurs plus mesurés. Par le passé, ils ont surtout eu le loisir d’applaudir les adversaires. Je regrette un peu le soleil. Je n’étais pas préparé à l’hiver de la Côte Est.
– Un détail qui t’amuse chez les Nets ?
J.K. : Nous sommes plusieurs avec un nom ou un prénom commençant par la lettre K. Moi, Kenyon (Martin), Keith (Van Horn), Kerry (Kittles)… Quand quelqu’un rentre dans le vestiaire et crie « Yo, K ! », nous sommes quatre à lever la tête !
Impossible de stopper le Shaq
En Finales, la partie semble perdue d’avance face au double champion sortant. Les Lakers ont survécu à une finale de Conférence Ouest dramatique face aux Kings (4-3) qui n’a pas fini de faire causer, notamment au sujet de l’arbitrage (un shoot primé à la sirène de Robert Horry dans le Game 4 ramena la série à 2-2 et les hommes de Phil Jackson s’imposèrent à l’ARCO Arena dans le Match 7). Ils ont fait le plus dur. Ils ont laminé les Pacers deux ans plus tôt (4-2). Au printemps 2001, les Sixers d’Allen Iverson n’ont fait illusion que le temps d’une manche (4-1). C’est sûr, New Jersey va prendre cher. Que faire contre un Shaq à la puissance plus dévastatrice que jamais quand votre secteur intérieur se compose de Todd MacCulloch, Aaron Williams et Jason Collins ? Les Lakers tremblent à peine sur la route de leur 14e titre. Quatre succès 99-94, 106-83, 106-103, 113-107 permettent à Phil Jackson de rejoindre Red Auerbach au palmarès des coaches les plus titrés (9 bagues).
Avec une moyenne énorme de 36.3 points, 12.3 rebonds, 3.8 passes et 2.8 contres, Shaquille O’Neal s’adjuge son troisième titre de MVP des Finales. Kobe Bryant s’est baladé lui aussi (26.8 pts, 5.8 rbds, 5.3 pds). En face, Kenyon Martin termine meilleur marqueur (22 pts) devant Jason Kidd (20.8), Kerry Kittles (12.5) et Keith Van Horn (10.5).
Top 10 Finales 2002
https://www.youtube.com/watch?v=Fy2iIssGtnk
Début du Game 1
https://www.youtube.com/watch?v=LorJuMYQXYw
Début du Game 2
Game 3
https://www.youtube.com/watch?v=olqGddqhhHw
Game 4
https://www.youtube.com/watch?v=BwKPfzyzsbc
Au terme de cette aventure incroyable, une question brûle toutes les lèvres : la formidable épopée des Nets a-t-elle un lendemain ? Les joueurs de Byron Scott sont-ils des illusionnistes, des mystificateurs qui ont trompé leur monde, l’espace d’une saison, par l’entremise du magicien Kidd ? On reprend le parcours des équipes de l’Est depuis la fin du règne sans partage des Bulls de l’ère Michael Jordan, en 1998. Jamais une équipe n’a duré au sommet de cette Conférence. Chaque franchise qui a atteint la Finale s’est scratchée dans les mois qui ont suivi. Le bal des maudits s’est ouvert avec les Knicks, battus 4-1 en 1999 par les Spurs. En cette année 2002, ils ne sont pas qualifiés pour les playoffs. Les Pacers et les Sixers, dégommés par les Lakers en 2000 et 2001, sont passés à la trappe au 1er tour.
Les Nets 2001-03 resteront dans l’histoire
Chez les Nets, on se veut rassurant. Certes, Kenyon Martin réclame d’échanger Kerry Kittles et surtout Keith Van Horn contre un sac de ballons mais l’équipe a du potentiel et elle est enfin épargnée par le mauvais sort. Elle a pris le pouvoir à l’Est le 26 décembre 2001 et ne l’a plus lâché, affichant des ressources jusque-là insoupçonnées. Une défense solide. La créativité et les triple-doubles de Jason Kidd. Une stabilité rare avec l’absence de blessure sérieuse. Lewis Katz, le proprio, savoure son premier titre de Conférence. Impossible de contester au GM, Rod Thorn, une connaissance parfaite des rouages d’une franchise NBA. On l’a dit : au début des années 80, il fut l’architecte de la future dynastie des Bulls.
« Quand j’étais joueur, après notre première défaite en Finale contre les Celtics (ndlr : 3-4 en 1984), nous étions tous revenus gonflés à bloc », raconte Byron Scott. « On voulait démontrer que l’on avait progressé. On avait passé l’été à bosser comme des dingues. »
Les Nets passeront l’été 2002 à bosser comme des dingues. Ils reviendront gonflés à bloc et disputeront une deuxième Finale d’affilée (2-4 contre les Spurs).
Neuf ans ont passé. Chacun a suivi sa route. Jason Kidd est devenu champion à Dallas avant de rejoindre New York cette semaine. Kenyon Martin a visité la Chine avant de jouer aux Clippers. Richard Jefferson est donné perdu pour le basket à Golden State. Et les New Jersey Nets ne sont plus. Le 30 avril dernier, ils ont migré à Brooklyn. Une page s’est tournée. Un nouveau chapitre commence. Il ne reste plus rien de l’ère Byron Scott. Elle appartient désormais aux livres d’histoire. Ceux qui y plongeront le nez revivront l’une des plus étonnantes métamorphoses de la décennie 2000.