Si, comme nous, vous êtes de fins observateurs de la NBA, vous aurez sans doute noté plusieurs aberrations dans les Top 10 récents. Ou plutôt plusieurs marchers flagrants non sifflés, et donc immortalisés dans les highlights. On en veut pour exemples la belle feinte (mais les trois pas) de Tony Wroten sur Nicolas Batum, ou le spin move (avec trois empreintes) de Jrue Holiday face à Denver, ou la prise d’appuis (douteuse) de Stephen Curry à Phoenix…
Et c’est sans parler de l’éternel débat qui entoure les contre-attaques made in NBA où les joueurs stars (LeBron James en tête) ou non (Nate Robinson) se permettent trois pas (si ce n’est plus) avant d’aller claquer leur dunk de rigueur !
Marcher ou pas marcher ?
Vous allez dire qu’on chipote sur des petits détails, qu’on se la joue puriste avec notre regard de Père Fouettard, mais sont-ce vraiment des détails ? Il ne faut pas mégoter avec les écarts au règlement, et ce surtout, quand ils sont institués en action digne du Top 10, à savoir comme le type d’images qui va faire le tour du monde.
Alors que dit précisément le règlement ? A la règle 9 de la section XIII pour l’objet b, il est écrit :
« Un joueur qui reçoit le ballon alors qu’il avance ou qu’il va arrêter son dribble, peut prendre deux appuis pour s’arrêter, passer ou shooter le ballon. Un joueur qui reçoit le ballon alors qu’il avance doit lâcher la balle pour commencer son dribble avant son second appui. Le premier appui arrive quand un pied, ou les deux pieds, touchent le sol après avoir pris le contrôle du ballon. »
Dans le Top 10 de samedi (ci-dessous), et selon le règlement, on a effectivement comptabilisé deux actions qui auraient dû être refusées pour cause de marcher, avec Jrue Holiday qui rajoute un pas sur sa volte et Steph Curry qui bouge ses deux pieds sans dribbler avant de déclencher son tir à trois points (sur la super passe dans le dos de Bogut).
Pareillement, Tony Wroten peut s’estimer heureux de ne pas avoir été pris par la patrouille sur sa feinte à quatre pas face à Nicolas Batum. Regardez le ralenti (c’est l’action classée en numéro 6) pour vous en convaincre, il y a bien marcher !
Ne pas modifier l’essence du jeu
Le problème pour les arbitres, c’est que le jeu est de plus en plus rapide et que les joueurs de plus en plus rusés. Historiquement, la NBA a, de toutes les façons, toujours été connue pour être plus laxiste sur les prises d’appuis. Mais la tendance actuelle laisse perplexe car elle tend à modifier le jeu en profondeur.
Les mouvements qui incluent les voltes, ainsi que Jrue Holiday mentionné ici, sont de plus en plus utilisés par les joueurs NBA. Mais si l’on accepte comme normal que les attaquants fassent un pas de plus sans dribbler, les défenseurs ne peuvent plus faire leur boulot correctement. Ça devient une lutte inégale où l’attaquant dispose d’un avantage net. Mais n’est-ce pas la logique profonde de la NBA qui veut du spectacle, et des points, à foison ?
« Les marchers non sifflés sont devenus un vrai problème en NBA parce que certains joueurs sont devenus excellents dans la manipulation du ballon en dribble, et ajoute un pas ou un demi-pas avant de prendre les deux appuis réglementaires. Les arbitres et les officiels, voire les commentateurs, ont appelé ça ‘le regroupement’. Mais quand on regarde le règlement, il n’y a pas, ne serait-ce qu’un concept similaire à cette phase de ‘regroupement’. Et la conséquence, c’est que certains joueurs malins et doués techniquement ont désormais un avantage sur leur défenseur. Est-ce juste par rapport au défenseur ? Est-ce juste par rapport aux joueurs qui suivent le règlement, voire aux anciens joueurs qui ont établi des records sous le même règlement quand on punissait plus rigoureusement ? » questionne le statisticien texan, John Ball pour Sports Illustrated.
L’éternel problème du départ en dribble
Un autre souci récurrent, et qui diffère largement du basket européen, c’est le départ en dribble, et par voie de conséquence, la position du pied de pivot au départ du dribble. Dans le basket FIBA, on doit poser son dribble avant de bouger son pied. En NBA, on peut poser son appui, avant de dribbler… Il est d’ailleurs intéressant de noter que, bien souvent, les joueurs fraîchement débarqués d’Europe (ou à l’inverse, les ‘ricains qui viennent jouer en Europe) se font largement sanctionner avec ce décalage dans les règlements non encore uniformisés.
Un internaute (fan des Celtics) a ainsi mis Lebron James sous le microscope lors des demi-finales de conférence en 2010 face à Boston alors qu’il était encore aux Cavs, puis avec le Heat (toujours face à Boston) en finale de conf’ en 2012. Et son constat est que les arbitres ont laissé jouer quatre actions où l’on peut discerner assez clairement que le King commet un marcher.
Tout et n’importe quoi : la NBA et ses limites
Il est bien évidemment plus facile de dire ça avec 6 ou 7 ralentis sous les yeux, trois ou quatre ans après la bataille, mais le fait demeure que la NBA est toujours en proie à ces débordements qui, dans le fond, dénaturent le jeu.
Pour bien comprendre, voyez par vous-même, le classement réalisé par DunkAllOverYou12 où l’on peut voir (avec décompte des appuis) les différentes situations que l’on a énumérées par avant : à savoir, le spin move, les marchers en contre-attaque et autres réjouissances. Ça date certes un peu mais les actions sont les mêmes encore cette saison en NBA.
La chose est particulièrement visible dans le cas de James Harden qui a pris pour habitude de se jeter dans les bras des défenseurs adverses sur ses innombrables pénétrations vers le panier. Et surtout, le barbu de Houston use et abuse de l’EuroStep, cette prise d’appuis décalés qui vise à changer de direction au dernier moment vers le layup. Alors que faire d’Harden, doit-on le siffler plus souvent pour son jeu dangereux avec le règlement ? Ou doit-on simplement s’asseoir et admirer le talent du génial joueur de ballon ? Le débat n’est pas près de se clore…
Bonus 1 : Dédé Miller fait son marcher tranquille
Bonus 2 : le célèbre marcher de Corey Maggette