Cela ne rajeunira pas ceux qui ont connu cette glorieuse époque mais durant les années 90, le poste de deuxième arrière était un des plus denses et talentueux de la NBA. Outre Michael Jordan évidemment, se sont croisés sur les parquets des phénomènes comme Mitch Ritchmond, Clyde Drexler, feu Reggie Lewis, Jeff Hornacek, Steve Smith, Allan Houston, Jerry Stackhouse, Kendall Gill, Jim Jackson, Latrell Sprewell, Joe Dumars, Reggie Miller puis plus tard Ray Allen, Kobe Bryant ou Vince Carter.
Pourtant, à l’instar du pivot, le poste de shooting guard semble être une espèce en voie de disparition…
1997 : 8 arrières dans le Top 20 des meilleurs marqueurs
Même si Kobe Bryant ou Dwyane Wade brillent depuis 15 et 10 ans dans la ligue, L’âge d’or de l’arrière shooteur correspond à l’arrivée de Michael Jordan au milieu des années 80, et la décennie qui a suivi. Ainsi, en 1997, huit des vingt meilleurs scoreurs de la ligue étaient des arrière-shooteurs. Si les pivots sont alors une denrée rare, les arrières sont alors indispensables pour toute équipe prétendant avoir de l’ambition.
« Si tu étais un arrière dans la ligue à cette époque, mec, ça signifiait que chaque soir allait être un défi en défense » se souvient Derek Anderson à Sporting News. « Aujourd’hui, je serais un des cinq meilleurs arrières de la NBA. Ce n’est plus un poste aussi dense. »
L’arrière, choisi en 13e position de la draft 97 (12 pts, 3,2 rbds et 3,4 ass en 11 saisons, a au moins raison sur un point : près de 20 ans plus tard, le poste est dévasté.
« Il ne reste clairement plus beaucoup d’entre nous. » confirme Ray Allen au Wall Street Journal. « Cela devient une liste de plus en plus restreinte au cours des années, le jeu a changé. »
2014 : 2 arrières dans le Top 20 des meilleurs marqueurs
Les arrières de bonne facture sont en effet de moins en moins nombreux : hormis les dinosaures que sont Kobe Bryant, Ray Allen, Vince Carter, Manu Ginobili et à un degré moindre, Dwyane Wade et Joe Johnson, la relève se nomme James Harden, Klay Thompson, DeMar DeRozan, Dion Waiters, Bradley Beal et Lance Stephenson, tandis que Monta Ellis et Arron Afflalo approchent déjà la trentaine. Si le talent de ces jeunes arrières est indéniable, ils sont cependant de moins en moins nombreux dans la ligue, et surtout rares sont ceux qui sont « franchise player » comme pouvaient l’être un Jordan, un Drexler, un Wade ou encore un Miller et un Kobe.
Le poste ne présente tout simplement plus la même densité qu’auparavant. Ainsi, ils n’étaient plus que deux shooting-guards parmi les vingt meilleurs scoreurs de la ligue, la saison passée (principale qualité demandée aux arrières, avec la défense).
Désormais, les points se répartissent au poste de meneur, d’ailier ou d’ailier-fort, confirmant l’évolution du jeu, décrite par Ray Allen.
« Beaucoup des meilleurs shooteurs de la ligue sont grands, et cela confirme que les choses évoluent en permanence » confirmait Kobe Bryant.
Effectivement, depuis Robert Horry à Kevin Love, en passant par Rasheed Wallace ou Dirk Nowitzki, les grands se sont progressivement de plus en plus écartés, occupant de facto une partie du rôle de spot-up shooter, confié aux arrières.
Les meneurs, nouveaux privilégiés ?
Par ailleurs, nombre de joueurs aux jeux modelés pour le poste 2 sont amenés à être décalés meneur. Ce fut le cas de Victor Oladipo la saison dernière, il en sera de même pour Zach LaVine pour la saison à venir. Il y a quelques années, Stephen Curry (utilisé comme deuxième arrière avec Team USA…), Marcus Smart ou George Hill auraient sans doute été considérés comme des arrières, à l’instar d’un Joe Dumars ou d’un Hersey Hawkins capables de survivre à ce poste en mesurant 1m90 et moins. L’influence grandissante des meneurs de talent sur leurs équipes a ainsi obligé les dirigeants de la ligue à vouloir se renforcer sur ce poste en priorité, quitte à décaler des joueurs dont ce n’est pas la position naturelle.
Selon le general manager du Thunder, l’uniformisation des systèmes de jeu y est pour beaucoup.
« Le jeu se fait majoritairement sur pick-and-roll ou sur transition. Cela se fait généralement entre un meneur et un grand. » dit-il à Bleacher Report. « Maintenant, il y a beaucoup moins de tirs en sortie d’écran, car les équipes défendent bien mieux sur ces situations. Maintenant, les systèmes se font par une pénétration et une fixation. C’est pourquoi le jeu a tellement évolué jusqu’à aujourd’hui. » précise Rick Carlisle.
Et l’évolution décrite par Rick Carlisle illustre plutôt une action de meneur. Pour de nombreux observateurs, les changements de règle pour valoriser l’attaque favorisent cette position. Sextuple All-Star et joueur entre 1977 et 1992, Walter Davis confirme cet impact collatéral.
« Avec le changement de règle, vous n’avez plus besoin d’un gars dans le périmètre qui peut se créer son propre tir, suffisamment costaud pour faire face aux défenses physiques qui pouvaient, pour faire simple, vous malmener à cette époque. » explique le retraité. « Quand on regarde les arrières aujourd’hui, tout ce dont ils ont besoin est d’être rapide, car les défenseurs ne peuvent plus mettre les mains sur eux et le chemin vers le panier est facile. »
Arrière : star d’antan, joueur unilatéral aujourd’hui ?
L’interdiction du handchecking (ou l’antenne) est notamment mise en cause. Pour l’ancien Hawk, Steve Smith, les joueurs de « petit » gabarit d’aujourd’hui ne sont tout simplement plus aussi polyvalents.
« Il semble qu’il y ait plus de gars qui jouent quasiment un rôle de meneur, ou sont juste de purs shooteurs. Quand on regarde l’université, Connecticut a gagné le titre et ils avaient Shabazz Napier et Ryan Boatright, soit deux meneurs. Il n’y a plus ces gars capables de poster, d’attirer une prise à deux, d’aller au cercle et de conclure. C’est un art perdu. »
À l’inverse, et tant mieux pour eux, on peut mettre en exergue les lucratifs contrats signés par Jodie Meeks ou Anthony Morrow, des arrières unidimensionnels, spécialistes, engagés pour la qualité de leur tir.
Mais pour Presti et Carlisle, cette perte d’influence de l’arrière n’est pas une mauvaise chose pour le jeu.
« C’était avant tout des joueurs d’isolation. » affirme le premier. « Nous avons toujours des arrières bons en un-contre-un et en sortie d’écran, mais désormais, nous avons un jeu plus sain à regarder, car il nécessite des mouvements de la part des cinq joueurs sur le terrain. Grâce à cela, cela donne un jeu plus amusant, dynamique et imprévisible. » conclut le second.
Pour R.C Buford, il existe bien un prototype d’arrière-shooteur mais il s’appelle Kevin Durant. Or, il mesure 2m06. Qu’en est-il des joueurs d’1m98 à 20 points et plus par match, ce morphotype de moins en moins présent ?
« Je n’en ai aucune idée. » répond Jon Barry, ancien joueur et consultant pour ESPN. « C’est cyclique », affirme quant à lui, Daryl Morey, le general manager des Rockets.
Avec les retraites à venir de Kobe Bryant, Ray Allen et Vince Carter, il semble bien que l’on assiste à la fin d’un cycle, celui d’une génération dorée.