En 1984, adidas avait refusé de proposer à Michael Jordan le contrat qu’il souhaitait, et on connaît la suite. C’est même raconté dans le film Air, diffusé sur Amazon Prime. Dix-neuf ans plus tard, est-ce que la firme allemande en a fait de même avec LeBron James ? C’est ce que Sonny Vaccaro, déjà actif dans les coulisses de la signature de Michael Jordan avec Nike, avait raconté en 2016, et c’est confirmé aujourd’hui par de nouveaux témoignages collectés par Andscape.
Une offre à 100 millions sur 10 ans pour le jeune LeBron
Après son coup de maître chez Nike, Sonny Vaccaro a occupé une position très importante chez adidas et comme il l’a souvent fait tout au long de sa carrière, notamment en envoyant Kobe Bryant chez la marque aux trois bandes, il s’occupait de recruter les meilleurs espoirs du pays.
En 2003, LeBron James était le jeune basketteur le plus attendu du monde entier et c’est en toute logique que Sonny Vaccaro a tenté de le recruter. Son plan ? Lui offrir un contrat inédit.
« Il faut comprendre le contexte » avait-il expliqué dans l’émission The Ringer NBA Show. « Kobe (Bryant) avait obtenu 1.5 million de dollars par an avec divers avantages dans son contrat. Tracy (McGrady) avait approché quelque chose comme 1.82 million. Donc, les chiffres augmentaient mais personne ne payait non plus un montant énorme mais adidas marchait bien. J’ai donc convaincu les dirigeants d’offrir à LeBron 100 millions, 10 millions par an, garantis. Ce montant était hors d’atteinte. Personne ne s’en était jamais rapproché à cette époque. »
D’après Sonny Vaccaro, aucune marque concurrente n’aurait proposé autant à LeBron James, certes un basketteur surdoué mais encore vierge de tout match NBA. C’était il y a vingt ans et si l’argent coulait déjà à flots, les montants n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui.
De plus, la NBA sortait tout juste de la nouvelle retraite de Michael Jordan et en dehors de quelques stars comme Kobe Bryant, Allen Iverson ou Vince Carter, il était difficile de se projeter sur l’impact médiatique d’un joueur.
Malgré tout, selon ses dires, Sonny Vaccaro parvient à convaincre adidas de mettre le paquet sur la star du lycée St. Vincent-St. Mary. La firme sort le grand jeu avec un magnifique livret, un logo, et elle invite tout le clan, avec ses coéquipiers de l’époque.
« Nous allions parier tout notre avenir sur ce gamin, LeBron » poursuit-il. « Il n’y avait aucun doute sur le fait qu’il allait être courtisé mais pas à cette hauteur, personne ne croyait en lui jusqu’à 100 millions. Ça, j’en suis persuadé (…) Les dirigeants d’adidas ont dit oui. Je ne lui aurais jamais offert ça si cela n’avait pas été le cas. Qu’est-ce que cela aurait rapporté de mentir ? Ils ont dit oui. »
adidas revient sur l’accord conclu verbalement !
Pourquoi Sonny Vaccaro parle t-il de mensonge ? Tout simplement parce qu’une fois l’heure venue pour LeBron James de parapher le contrat initialement prévu avec adidas, le futur rookie des Cavaliers découvre, comme Sonny Vaccaro, que son contenu n’est pas conforme à l’accord passé.
« Nous l’accueillons, lui et toute son équipe. Jet privé, etc… » relate l’homme d’affaires. « Nous les amenons à un match de playoffs des Lakers. Malibu, une vue sur l’océan Pacifique, et nous déroulons notre plan. Le montant était censé être 100 millions. Je m’assois avec Gloria James (la mère du joueur), l’avocat de LeBron, LeBron et tous son clan. Je vois le contrat. Ce n’était pas 100 millions. C’était quelque chose comme 70 millions avec des bonus. »
Évidemment, même si la somme reste énorme pour le commun des mortels, et même pour un jeune joueur de 18 ans, aussi exceptionnel soit-il, un accord est un accord. Or, celui-ci n’ayant pas été respecté, le clan James se froisse.
« Il ne s’agissait pas tellement de l’argent, 70 ou 100 millions, quoi qu’il en soit, cela fait toujours énormément d’argent, n’est-ce pas ? Mais il faut comprendre ce que cela représentait pour moi. La raison pour laquelle je suis respecté, c’est que lorsque je dis quelque chose, vous pouvez me croire. Si nous avions un accord, nous avions un accord. Adidas a changé le chiffre derrière mon dos. Je n’oublierai jamais ça. Nous sommes allés dans un coin du manoir et je me suis excusé auprès de LeBron, Gloria. »
L’erreur qui a tout changé ?
Qu’en dit adidas ? Voici la version de David Bond, vice-président d’adidas en 2003, et ancien dirigeant de Nike de 1992 à 2001. « Sonny a toujours dit qu’il faudrait 10 millions de dollars garantis par an. L’offre de contrat d’adidas était d’environ 7 millions de dollars garantis, avec un certain nombre de primes qui permettaient d’atteindre 10 millions de dollars par an. Mais tout n’était pas garanti. Il savait que Nike allait mettre le paquet, avec tout le contrat garanti ».
Cet ancien dirigeant d’adidas confirme cette version, et pour Sonny Vaccaro : « C’est l’erreur la plus stupide jamais commise dans l’histoire de la négociation. S’il signe [avec adidas], le monde entier change ».
Ce que confirme Aaron Goodwin, agent de LeBron à l’époque. Selon lui, l’ancien lycéen de St Vincent – St Mary était un fan absolu d’adidas. « La vérité, c’est que LeBron était fan d’adidas. Ils l’auraient signé si adidas avait fait l’offre qu’ils étaient censés faire » insiste Goodwin. « Je savais qu’il voulait être chez adidas. LeBron voulait adidas jusqu’à ce qu’adidas foire à Malibu. Ensuite, il a voulu Reebok parce que le montant était incroyablement élevé. Mais je pensais que Nike était la seule entreprise qui pouvait construire autour de lui. »
La suite est connue de tous : LeBron James s’engage finalement avec Nike pour 90 millions sur sept ans puis, pour 300 millions sur 10 ans. Aujourd’hui, on évoque un contrat à vie, supérieur au… milliard de dollars, et Nike représente près de 90% du marché des chaussures de basket !