Qu’ont en commun Rudy Gobert, Eric Bledsoe, Hassan Whiteside, Clint Capela, Khris Middleton ou encore James Johnson ? Tous ont foulé au moins une fois un parquet de la ligue de développement, aujourd’hui appelée G-League. Le niveau de jeu de la ligue mineure a beau être à des années lumières de celui de la grande ligue, la passerelle entre les deux est désormais massivement fréquentée. Saison après saison, cette ligue… se développe et de plus en plus de jeunes joueurs NBA y passent faire un séjour, et de plus en plus de joueurs de la ligue inférieure gagnent la NBA.
Au démarrage de la saison 2004-2005, soit quelques années après le lancement de la ligue affiliée, la NBA comptait dans ses rangs 15 joueurs avec une expérience dans ce qu’on appelait alors la NDBL. Plus de dix ans plus tard, à l’aune de l’actuelle saison, ils étaient… 167. Et l’explosion s’est poursuivie ces dernières semaines.
14 Hawks sur 17 ont connu la G-League
Selon notre passage en revue des effectifs, la ligue compterait, à l’heure de ces lignes, 226 joueurs passés par l’étage inférieur, sur les 477 joueurs qui ont foulé les parquets NBA cette saison. Autrement dit, les « ex-G-Leaguers » (ou encore entre les deux) représentent près de la moitié de l’effectif global ! Une majorité de ces joueurs sont pour l’heure peu connus. Mais on compte tout de même parmi eux, outre ceux mentionnés plus haut, des CJ McCollum, Jordan Clarkson ou Robert Covington…
Depuis cette saison, les 30 équipes de la ligue comptent un effectif de 15 à 17 joueurs cette saison, et en moyenne, elles comptent plus de 7 joueurs passés par la G-League. Les « champions » du genre sont les Hawks avec 14 joueurs… sur 17 !
La courbe, même si elle prend en compte les effectifs à l’entame de la saison NBA, parle d’elle-même. La proportion grimpe logiquement plus avec les effectifs finaux. Ainsi à la fin de la saison 2014-2015, la ligue comptait déjà 170 joueurs issus de G-League, soit 38% de l’effectif global. Un rapport qui a même grimpé à 44% l’année dernière en ne se basant que sur les équipes qualifiées en playoffs.
Autre fait notable, celui du nombre de joueurs appelés à passer à l’étage supérieur, les « call-up ». L’histoire retiendra que Chris Andersen est l’un des huit premiers joueurs à avoir pris cet ascenseur. Non drafté en NBA, il est en revanche choisi n°1 de la Draft 2001 de la ligue de développement. Après quelques matches avec les Patriots de Fayetteville, il s’engage avec les Nuggets pour la carrière qu’on lui connait, ponctuée d’un titre NBA en 2013 avec le Heat.
À propos des « call up », ces joueurs de G-League qui décrochent une pige en NBA, ils ne sont pas forcément dans l’exclusivité du lien de filiation avec la franchise du dessus. Ainsi, un joueur des Santa Cruz Warriors peut très bien être appelé par les Wizards de Washington, et pas nécessairement par Golden State.
Comment expliquer cette tendance ?
Comment la G-League est devenue un véritable centre de formation de la NBA, au point de concurrencer aujourd’hui l’Europe, voire la NCAA ? À ses débuts, l’antichambre de la NBA ne comptait que 8 franchises, alors qu’aujourd’hui, on en compte 26.
Mieux encore, la majorité des franchises NBA ont leur propre « filiale », et ils peuvent ainsi s’en servir comme d’un véritable centre de formation. Si CJ McCollum ou Clint Capela sont passés par l’étage du dessous, c’était pour jouer un maximum, en attendant leur heure chez les « grands ». La G-League devrait continuer de s’étendre car il a récemment été question d’une franchise G-League à Mexico. En grandissant ainsi, la ligue a changé de statut, et plus il y a d’équipes, plus il y a de joueurs, et donc davantage de choix.
« Le nom ‘D-League’ était tabou dans les vestiaires NBA en 2009, » se souvient Bobby Marks, ancien dirigeant des Nets aujourd’hui consultant à ESPN. « Le mentionner à un rookie ou à un sophomore, c’était systématiquement avoir en réponse ‘Qu’est-ce que j’ai fait de mal ?’ C’était vu comme une sanction. Aujourd’hui, la G-League est plutôt vue comme une plateforme pour le développement des joueurs. »
Ce championnat est ainsi devenu, année après année, un réservoir de joueurs potentiels pour les 30 franchises NBA, à la recherche d’une pépite, d’un joueur passé sous les radars. Exemple récent avec Yogi Ferrell avec les Mavs. La relation entre les deux ligues a pris une telle importance qu’ont été institués, lors de la dernière intersaison, les fameux « two-way contract ».
Chaque équipe peut désormais s’offrir un ou deux joueurs supplémentaires, le faire évoluer en G-League tout en le faisant jouer jusqu’à 45 jours en NBA. Ces nouveaux contrats sont l’explication principale à l’arrivée massive de ces joueurs amenés à fouler les parquets NBA.
« Les coaches NBA et le GM on clairement reconnu la G-League comme un moyen efficace pour développer le talent », se félicitait après cette décision, Malcolm Turner, son président.
Mais voir autant de joueurs NBA avec une expérience G-League s’explique aussi par d’autres facteurs.
À quoi elle « sert » ?
Sa principale « fonction » est bien sûr d’être une passerelle vers la NBA. D’abord pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir été sélectionnés à la Draft classique. Elle l’est aussi dans l’autre sens, pour ceux qui manquent de temps de jeu.
Ainsi en décembre 2013, on peut rappeler qu’un certain Rudy Gobert avait été envoyé en D-League car son coach au Jazz de l’époque, Tyrone Corbin, ne le faisait pas jouer. Même situation aujourd’hui pour le pivot des Lakers, Ivica Zubac, pour qui Luke Walton peine à trouver des minutes. Pour les rookies, draftés trop tôt et pas encore prêts, la G-League est un compromis. Côté Lakers, on pousse d’ailleurs très loin le lien entre les deux franchises.
« On essaie de voir notre configuration comme un effectif de 27 joueurs plutôt que deux entités distinctes », note Nick Mazzella, GM des Lakers de South Bay, petite sœur de la maison. Ce dernier assure travailler main dans la main avec Magic Johnson et les autres dirigeants pour favoriser le lien.
La G-League peut aussi être utile pour un joueur NBA confirmé qui revient d’une longue absence, à la recherche de rythme. On a ainsi récemment assisté à un improbable duel Joakim Noah et Guerschon Yabusele. De nombreux joueurs (Isaiah Thomas, Tony Parker, Marcus Morris, Michael Carter-Williams, Ben McLemore…) ont également participé aux entraînements avec les équipes affiliées après une blessure et avant le retour à la compétition.
Cette ligue mineure fait également de plus en plus office de refuge pour d’anciens joueurs NBA qui veulent tenter un comeback dans la grande ligue. On peut ainsi citer Terrence Jones, Emeka Okafor, Anthony Bennett… La ligue est aussi devenue un « repaire » pour les ex-NBAers en reconversion dans le coaching, comme Nick Van Exel, Luke Walton, Earl Watson, Anthony Carter, James Posey, Eduardo Najera ou encore Jerry Stackhouse, élu coach de l’année dernière avec les Raptors 905.
Enfin, la G-League est un laboratoire pour la NBA au niveau du règlement et de l’arbitrage. Si un jour, une ligne à 4-points arrive en NBA, on peut être certain qu’elle aura d’abord été testée en G-League…
Comment fonctionne la G-League ?
C’est la quasi petite jumelle de la NBA. Une trade dealine en février prochain, des playoffs, une Draft (qui a lieu des mois après celle de juin), une présaison… Son calendrier est évidemment lié à celui de l’étage supérieur. Subtilité par rapport à la NBA, la G-League vient de remplacer son traditionnel All-Star Game par un match entre les meilleurs joueurs de la G-League et l’équipe nationale du Mexique. Voilà qui peut donner une petite idée du niveau. Pas certain qu’Adam Silver ait envie de reprendre l’idée pour son événement annuel…
Comme la NBA, la G-League est divisée en deux conférences, mais de 13 équipes, réparties dans trois poules. Cette année, 12 équipes pourront se qualifier pour les playoffs, à l’issue d’une saison de 50 matches.
Quel avenir ?
Difficile de s’imaginer à terme un schéma NBA / G-League comparable à celui existant entre nos Pro A / Pro B. En revanche, elle pourrait avoir son intérêt par rapport à la NCAA. Comme le suggère Bobby Marks, la G-League pourrait être une alternative au fameux « one-and-done » universitaire. Plutôt que d’effectuer une saison universitaire, un jeune pourrait passer par la case G-League et être payé en attendant d’être drafté par une franchise NBA.
Elle devrait dans tous les cas gagner un peu plus en popularité à terme. La saison passée, les salles NBA ont accueilli quatre matches de G-League avec une affluence moyenne de plus de 15 000 personnes. Preuve d’un possible regain d’intérêt pour elle. Le patron de la ligue, Malcolm Turner, entend faire en sorte qu’elle pèse un peu plus.
« C’est le chemin le plus rapide pour la NBA, et la 2e meilleure ligue du monde (sic). Une partie de notre mission, si vous voulez jouer au plus haut niveau, est d’aider à réaliser ce rêve de NBA. Que vous soyez joueur, coach, entraîneur, arbitre, c’est toujours gratifiant de voir les gens réaliser ce rêve. Yogi Ferrell était une histoire sympa de la saison dernière. Ce sont Ferrell, Seth Curry ou même des gars comme Danny Green et Hassan Whiteside, ou du côté des arbitres avec CJ Washington. »
Aujourd’hui, la principale victoire de la G-League est d’être devenue le moyen le plus rapide pour un jeune joueur de rejoindre la NBA, sans passer par l’Europe ou un autre championnat étranger. Les places restent rares mais elle permet de rester en contact avec la NBA, et de partager quelques entraînements. Le meilleur moyen de taper dans l’oeil des scouts.
Le saviez-vous ?
- En août dernier, la ligue organisait une session d’entraînements en vue de la Draft G-League d’octobre 2017. Les 220 joueurs attendus à cet événement devaient débourser 350 dollars pour s’y inscrire. Entre 25 et 40 d’entre eux parviennent généralement à signer un contrat et devenir éligibles pour cette Draft. On se souvient que Jonathon Simmons avait payé 150 dollars pour s’offrir un test avant d’être repéré par les Spurs.
- Le dernier MVP de G-League s’appelle Vander Blue. Il tente encore de se faire sa place aux Lakers aujourd’hui. On peut également citer Tim Frazier, élu deux ans avant lui, actuellement back-up de John Wall aux Wizards.
- La G-League a aussi son utilité pour… Team USA. Comme les nouveaux calendriers de qualifications pour la Coupe du monde 2019 obligent à se passer des joueurs NBA, c’est une équipe composée de joueurs de la ligue mineure qui est chargée d’obtenir le ticket pour le prochain Mondial. Et pour l’instant, ça marche !
- Les matches de G-League sont diffusés gratuitement sur Facebook. Une manière de toucher le plus grand nombre.