Cela fait vingt-cinq ans jour pour jour que Drazen Petrovic nous a quittés. Fauché en pleine gloire à 28 ans, dans un tragique accident de voiture sur une route allemande, le 7 juin 1993, l’arrière des Nets a laissé derrière lui un souvenir impérissable.
Grande gueule, chambreur et charismatique, « rat de gymnase », génie incompris, défenseur risible et bientôt scoreur fou chez les Nets, Drazen Petrovic n’a jamais laissé personne indifférent. Son souvenir est encore bien vivant en NBA de nos jours, ainsi que le démontre notre enquête dans les coulisses de la NBA.
Le génie incompris à Portland
Quand il débarque à Portland en 1989, Drazen Petrovic a déjà fait poireauter les Blazers pendant trois saisons après avoir signé au Real Madrid à l’été 1988. Drafté en 1986 (en 60e choix, au 3e tour), il est attendu de pied ferme à Portland. La franchise de l’Oregon a même aidé son nouveau joueur à payer la somme demandée par le Real pour libérer sa superstar en quête de NBA.
Mais à son arrivée à Portland, Petrovic tombe rapidement sur un os. Remisé sur le banc par Rick Adelman, derrière Clyde Drexler et Terry Porter (voire l’ancien limougeaud Danny Young), l’artiste croate ronge son frein. Il est face à une situation inédite pour lui : il doit non seulement sortir du banc et jouer des minutes très limitées, mais encore pire, il est privé de ballon et doit s’adapter à un rôle de shooteur pur, en « catch & shoot » seulement, pas du tout dans son habitude.
« Il n’était pas content car il n’avait pas de temps de jeu », nous confie Kerry Eggers, un confrère du Portland Tribune. « Il était habitué à prendre tous les tirs mais ce n’était plus possible derrière Clyde Drexler, et la deuxième année, derrière Danny Ainge en plus. Il était le 3e arrière dans la rotation. »
Limité à 12 minutes de moyenne pour tout de même 8 points par match lors de sa saison rookie, Drazen Petrovic enrage…
« C’est évident qu’il aurait certainement dû avoir plus de temps de jeu aux Blazers car il était tellement doué pour le basket », confie le commentateur Bill Schonely, celui-là même qui a invité le terme Rip City. « Mais je n’étais pas le coach ! Si je l’avais été, il aurait certainement jouer davantage ! »
Mais derrière Drexler et Ainge qui monopolisent le temps de jeu, Petrovic n’a droit qu’à des miettes de temps de jeu. La faute à sa défense bien trop déficitaire dans une écurie qui joue les premiers rôles et finira en finale NBA.
« Terry [Porter] me racontait que les joueurs des Blazers devaient toujours lui répéter de commencer à défendre un peu », révélait récemment le nouveau coach des Suns, Igor Kokoskov, sur ESPN. « Mais moi, je leur répondais qu’il n’avait pas besoin de défendre. Son attaque était sa meilleure défense ! »
Et face à Danny Ainge à l’entraînement, sur des séries de 50 tirs en sortie d’écran ou en réception tir, Drazen Petrovic n’hésitait pas à rappeler sa supériorité indéniable dans l’adresse de loin.
« Je gagnais peut-être 3 fois sur 12 », sourit l’actuel GM des Celtics, Danny Ainge. « Si je n’arrivais pas à 44 ou 45 sur 50, je n’avais aucune chance de gagner. Il était tellement concentré. Ne pas jouer le gênait plus que n’importe qui. »
Nos deux témoins de Portland, Kerry Eggers et Bill Schonely, louent même à l’unisson le dévouement quasi religieux de Drazen Petrovic pour son jeu. Et la pureté de son geste de tir.
« Oui, il était extrêmement appliqué », confirme Schonely. « C’était la personnification du rat de gymnase ! C’était tout simplement un homme exceptionnel. J’ai passé pas mal de temps avec lui quand il était à Portland. Il a bien bossé sur son anglais. Tout le monde l’aimait beaucoup. »
Et puis, bien que limité à un second rôle, Petrovic a tout de même réussi à se mettre le public de Rip City dans sa poche. Quand il inscrit 14 points en 12 minutes au 1er tour des playoffs 90 face à Dallas ou encore 13 points en 18 minutes face aux Spurs, au 2e tour, Petro semble reprendre la main sur son destin. Et le contrôle sur son image d’étoile déchue…
« Quand il était à Portland, Drazen était un élément important de l’équipe. Il était un des chouchous du public pour le coup ! », ajoute Schonely. « Les gens l’adoraient ici. Il avait été adopté rapidement, et il adorait le surnom Rip City. Quand il shootait, il criait Rip City après avoir marqué ! Il m’appelait Rip City aussi ! C’était un super gars, un très bon coéquipier, il n’a jamais oublié la ville de Portland et c’est évidemment un grand vide de ne plus l’avoir avec nous. »
Le pionnier des Nets
Mais le départ était une issue inéluctable pour Drazen Petrovic qui envoya notamment : « Jamais de ma vie, je n’ai été assis sur le banc et je n’ai pas l’intention de le faire à Portland ! » Son agent n’était pas tellement en bons termes avec Rick Adelman et la réussite des Blazers avec son groupe d’alors limitait clairement les opportunités pour la superstar croate inconsolable sans son exutoire.
Résolu à devenir le premier joueur européen à passer le cap NBA, Petrovic n’a pas renoncé. Visionnaire, il l’avait en effet annoncé avant de traverser l’Atlantique : seul le manque de temps de jeu pourrait l’empêcher de réussir en NBA.
« Ce qu’il a accompli était impossible à l’époque », affirme Neven Spahija, l’actuel coach du Maccabi Tel Aviv. « Il m’a dit : si je n’essaie pas la NBA, ça va me faire mal tout le reste de ma vie. »
Prêt à aller « dans la pire équipe NBA, à condition d’avoir des garanties de temps de jeu », Drazen Petrovic a été entendu par les Nets. Dans le New Jersey, Bill Fitch lui a donné sa chance. Et l’artiste a rapidement pu donner libre cours à son immense talent. De quoi briser de nouvelles barrières en chemin ! « Avant Drazen, on ne voulait pas des arrières internationaux », confirme son coéquipier des Nets, Kenny Anderson. « C’était un peu : vous êtes trop soft. »
De toutes manières, ce n’est pas comme si les Nets croulaient sous les options, alors en toute fin de peloton dans la conférence Est. Avec Drazen Petrovic, plus l’arrivée de Kenny Anderson avec le 2e choix de la draft 1991, New Jersey a peu à peu inversé la tendance avec un jeu résolument tourné vers l’attaque.
Membre des Celtics notamment, Ed Pinckney peut confirmer que l’enfant de Sibenik était un sacré client avec les Nets.
« Il était le compétiteur le plus tenace que j’ai jamais rencontré ! Je me souviens que quand il est arrivé en NBA, ici à Portland, il ne jouait pas beaucoup. Mais une fois à New Jersey, je jouais avec Boston, et il a livré des duels épiques face à Reggie Lewis. Ce dont je me souviens le plus, c’est qu’il était tellement heureux de pouvoir jouer. Il jouait avec énormément de vie ! C’était un incroyable shooteur et les gars adoraient jouer avec lui. C’était un incroyable scoreur. »
Sa spécialité, c’était de déclencher soudainement. En première intention ou en sortie d’écran, le geste du Croate était aussi rapide que fatal.
« Du point de vue de l’éthique de travail et de la progression, je le mets dans la même classe que Nowitzki », lance Rick Carlisle, qui a bien connu Petrovic à New Jersey, étant alors assistant. « C’était un des premiers gars à tirer à un mètre derrière la ligne à 3-points, et il arrivait à le faire en allant à toute vitesse en sortie d’écrans. C’était complètement dingue. Il serait parfait pour le jeu actuel. »
Et puis Petrovic y ajoutait souvent le panache ! Avec son poing levé et sa rage de vaincre, le numéro 3 des Nets est rapidement devenu une valeur sûre des highlights chaque semaine en NBA au début des 90s.
« Pas de trashtalking, non ! », nuance néanmoins Pinckney. « Il donnait juste beaucoup d’énergie à ses coéquipiers. Il était par exemple un des premiers joueurs à tirer à un bon mètre derrière la ligne [à trois points]. Et quand il rentrait son tir, il avait le poing serré ou il levait carrément les bras. Il était super content de jouer tout le temps. Il adorait jouer au basket et ça se voyait ! »
Par contre, le bât blessait dangereusement en défense. Drazen Petrovic n’était tout simplement pas intéressé par ce travail ingrat. Ça lui a probablement coûté son temps de jeu famélique à ses débuts en Oregon, puis des points encaissés supplémentaires chez les Nets… mais il est un artiste à la tête dur, un attaquant pur pas du tout intéressé par ses tâches viles ! Probablement sa plus grosse erreur de jugement…
« Il se fichait royalement de la défense », se marre Rich Dalatri, le préparateur physique des Nets à l’époque. « On aurait aussi bien fait d’avoir un plot à sa place. Au moins, le plot aurait peut-être pu crocheter un joueur. »
Un monstre sacré sur le Vieux Continent
Indolent en défense, Drazen Petrovic est encore plus un joueur de caractère. Et son talent s’exprime avant tout en attaque ! En Europe, il s’est bâti un véritable empire. Tous ses adversaires sont unanimes : le Croate est un monstre sacré.
« J’ai joué contre lui quand on était très jeune, en Yougoslavie, pour les championnats du monde universitaires. C’était en 1986 je crois [ndlr : 1987 en fait] », se remémore Danny Ferry. « C’était un joueur incroyable qui jouait avec beaucoup de courage. C’était un shooteur et un compétiteur phénoménal. Je me suis retrouvé face à lui à plusieurs reprises. Il m’a fait plusieurs de ses coups spéciaux. Il jouait très dur, il était toujours très concentré, très émotionnel. »
Et avec des cartons toujours plus impressionnants, Drazen Petrovic y ajoutait l’humiliation. Féroce compétiteur, il n’hésitait pas à user et abuser ses adversaires sur le terrain, comme pour bien leur montrer sa facilité déconcertante balle en mains.
« À Zagreb, au championnat du monde universitaire, il était comme un paon », poursuit Ferry. « Il célébrait chacun de ses paniers. Les gens en Yougoslavie l’adoraient en plus… Il s’adonnait également au trash talking. Il ne parlait pas encore super bien anglais mais il avait déjà quelques mots de vocabulaire. Il se faisait bien comprendre, croyez moi ! Et puis, certains mots n’avaient pas besoin de traduction [rires] ! »
Au sein du Cibona, il a tout gagné en 1985 en réalisant un triplé incroyable : Coupe d’Europe, Championnat et Coupe en Yougoslavie. Auteur du doublé en 1986, il dominait tellement sur le terrain qu’il rendait fou ses adversaires avec ses célébrations rituelles.
« Je le détestais au plus profond de moi quand j’étais jeune », avoue Emilio Kovacic, coéquipier de Drazen en sélection en 1993 et futur scout pour les Suns. « Il faisait des grimaces. Il faisait ses célébrations. C’était horrible ! Il venait dans notre ville et il nous foutait la honte ! »
L’actuel coach des Rockets, Mike d’Antoni, alors à Milan, fait aussi la rencontre du phénomène croate sur la scène européenne. Milan a d’ailleurs succédé au Cibona, réalisant également leur propre doublé en 1987-88… Il en garde un souvenir ému.
« Il m’a mis 49 points dans la face ! C’était un des meilleurs attaquants de l’histoire ! Il aurait eu une longue et belle carrière en NBA. Et c’était un bon gars en plus. J’ai beaucoup de bons souvenirs avec lui. On a livré de belles batailles. »
Même relégué en Coupe des Coupes puis en Coupe Korac, Drazen Petrovic n’a rien laissé passer. Il rafle les deux compétitions européennes coup sur coup en 1987 et en 1988 respectivement, complétant donc sa collection personnelle de quatre coupes d’Europe en… quatre ans !!!
Avec une telle mainmise sur le Vieux Continent, n’en déplaise au grand Arvydas Sabonis, son grand rival de l’époque qui atterrira ironiquement comme lui chez les Blazers en NBA, Drazen Petrovic était le vrai patron en Europe. Une image qui garde encore ses couleurs intactes de nos jours. Ainsi qu’en témoigne l’international serbe des Wolves, Nemanja Bjelica.
« Tout le monde parle encore de lui et ça va continuer comme ça. C’était un immense joueur. Je ne l’ai pas vu jouer mais j’ai entendu parler de ses entraînements, de son jeu. Il a ouvert la voie pour les joueurs européens. Lui, Divac, ces gars-là… C’était une autre époque. Mais tout le monde se souvient encore de son duel face à Michael Jordan à Barcelone ou quand il le jouait en NBA. Il n’avait peur de personne. Il était unique ! »
Un héritage considérable
Opposé à Michael Jordan aux Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, Drazen Petrovic et la Croatie ne peuvent que s’incliner devant le talent incommensurable de la seule et unique Dream Team. En groupe puis en finale, malgré 24 points, 5 passes et 4 interceptions, Petrovic essaie bien de rivaliser mais Jordan et sa bande sont au-dessus du lot…
Au même titre que la Dream Team, Petrovic a fait partie de ce mouvement vers l’internationalisation du basket NBA. Mieux, il a été à la tête (et une tête dure) du convoi.
« Il a eu une influence énorme. Il a été à l’origine de ce mouvement de joueurs européens, ça ne fait aucun doute ! », avance Schonely. « Et toute la NBA savait ce dont il était capable. Regardez maintenant tous les joueurs qui arrivent de l’étranger pour jouer en NBA ! Lui était un des premiers à le faire. »
Dans ses pas, en faisant un détour par l’Espagne avant de s’envoler vers la NBA, Nemanja Bjelica a suivi dans la brèche ouverte par Petrovic. Comme tant d’autres depuis !
« Il a une grande influence sur tous les jeunes joueurs qui sortent d’ex-Yougoslavie. C’est un des meilleurs joueurs de l’histoire du basket. Il est évidemment parti trop tôt et de manière tragique. Il est une inspiration pour tous les jeunes joueurs. Il était incroyable, exceptionnel. »
À Portland, Jusuf Nurkic perpétue actuellement cette tradition des Balkans en Oregon. Le pivot de Bosnie-Herzégovine (comme le papa de Drazen, Jovan Petrovic) est dans un tout autre morphotype mais il a néanmoins retenu les leçons de Petro.
« Tout le monde le connait, c’est sûr. Les médias en parlent assez souvent et on peut trouver ses vidéos sur internet maintenant. Les gamins d’aujourd’hui doivent encore en entendre parler. J’ai visionné certains de ces matchs et il était évidemment un joueur majeur. C’est évidemment difficile de voir un tel joueur finir ses jours comme ça. Mais il a ouvert des portes pour nous. Il est arrivé ici et a eu du mal à s’adapter, mais il n’a jamais abandonné. Et c’est un exemple pour tous ceux qui veulent progresser. »
Capable des gestes les plus fous pour asseoir encore plus sa légende en Europe, Drazen Petrovic est évidemment une idole pour tous ces jeunes joueurs qui traversent l’Atlantique. Et encore plus en Croatie, ainsi que nous le confie le jeune pivot des Cavaliers, et ancien du Cibona Zagreb lui aussi, Ante Zizic.
« C’est une figure très importante en Croatie car c’est l’un des premiers à avoir réussi à jouer en NBA. C’était le Mozart du basket. C’est une inspiration pour les basketteurs mais pas seulement pour les sportifs et même les gens en général dans leur vie de tous les jours. C’était un énorme bosseur, qui a consacré énormément de temps à son jeu. C’est une inspiration encore aujourd’hui. »
De leur côté, les Américains ont peu à peu compris, après la percée de Petrovic, que le réservoir de talents en Europe était aussi très important.
Opposés à la génération yougoslave de Petrovic et Divac (la fameuse équipe documentarisée par ESPN dans Once Brothers), Danny Ferry se considère sur la point du front pionnier à cet égard. Dès les années 1980, Petrovic et sa génération yougo avaient déjà démonté le mythe de la toute puissance américaine sur la balle orange…
« J’avais 16 ans quand je suis allé en Yougoslavie pour la première fois avec la sélection américaine. On pensait qu’on était bon à l’époque mais ce groupe de gars, avec Paspalj et Divac, ils nous ont mis une fessée ! J’ai donc su très tôt que ces gars-là étaient de très bons joueurs. Leurs carrières respectives ont mis plus ou moins de temps à décoller en NBA mais ça a pris du temps car aucun joueur européen n’avait encore réussi à percer en NBA. Mais le basket dans ces pays d’ex-Yougoslavie, c’est formidable. »
Pour l’ancien ailier fort des Celtics, Ed Pinckney, Petrovic a précisément servi de paratonnerre. S’il a pris la foudre en Oregon, il a ensuite illuminé le ciel des Meadowlands du New Jersey de ses tirs arc-en-ciel !
« Au tout début, les joueurs européens étaient considérés comme étant trop soft. Mais lui était tout le contraire de soft. Il n’était pas mou du tout ! Il a donné beaucoup de confiance à d’autres gars après ses belles années chez les Nets. Il était vraiment incroyable. »
Particulièrement courroucé de négociations qui s’éternisent avec les Nets, ainsi que d’une fronde de plus en plus pressante de coéquipiers qui estiment qu’il mange la feuille en attaque (sans défendre, on en revient toujours là aussi…), Petrovic a des envies de retour en Europe. Il déclare même après son élimination en playoffs, et ce un mois et demi avant son fatal accident…
« J’ai prouvé tout ce que j’avais à prouver en NBA. »
Bogdan Bogdanovic – Luka Doncic, la descendance ?
Drazen Petrovic vivait vite et fort. Le génie de Sibenik savait bien que son temps sur les parquets était limité dans le temps. Son immense appétit de victoire était sa manière de profiter de la vie au maximum. Sa façon inimitable de serrer le poing après un panier, voire de sauter comme un cabri pour ajouter l’insulte à l’injure, c’était sa soif de vie !
Comme on l’a déjà précisé, sa passion a indubitablement traversé les générations dans les Pays des Balkans. Et plus précisément, outre le légendaire Dejan Bodiroga qui était un cousin au 2e degré (et qui a dominé l’Europe au début des années 2000 par sa technique irréprochable), Petrovic semble disposer de deux très beaux héritiers actuellement : Bogdan Bogdanovic, le sniper serbe qui joue aux Kings après avoir tout raflé en Europe, et Luka Doncic qui est tout aussi prodigieux avec son talent très précoce.
« Il est important partout, pas seulement en Serbie », nous explique Bogdanovic. « C’est une légende dans toute la région des Balkans. On est similaire tous les deux, dans le jeu et dans la morphologie. Et comme lui, je me suis beaucoup entraîné pour, car c’est vraiment le seul moyen d’y arriver. »
Passé sous les ordres de Zeljko Obradovic au Fenerbahçe afin de remporter l’Euroleague avant de décoller pour la NBA, Bogdanovic a aussi bien connu « l’école yougoslave » à ses débuts au Partizan Belgrade. Aux côtés de Joffrey Lauvergne et Léo Westermann notamment, Bogdanovic a été formé à la dure par Dukso Vujosevic. Et en sélection, il a évolué pour Sasha Djordjevic qui a connu de sacrés combats face à Petro en son temps.
« Je le connais bien car j’ai visionné pas mal de vidéos », renchérit Bogdanovic. « Mais je n’ai malheureusement pas eu la chance de le voir jouer en chair et en os. Je l’ai vu à la télé, mais ce n’est pas pareil. Et ça m’attriste toujours un peu d’y penser car je ne pourrai jamais le voir jouer. Mais j’ai évidemment lu et entendu beaucoup d’histoires sur son compte. Sur ses méthodes d’entraînement notamment. Certains de mes entraîneurs ont côtoyé son entraîneur et j’ai entendu parler de son incroyable préparation. »
En l’occurrence, Bogdanovic a entendu parler de la préparation méthodique de Petrovic. Sa réputation le précède…
« Il se levait entre 5 et 6h du matin, avant d’aller en cours, et il faisait sa séance de tirs. Peu importe la saison, été comme hiver. Ensuite, il allait en cours et le soir, rebelote, il remettait ça avec un nouvel entraînement. Il était vraiment dédié à son jeu, et même un peu obsessionnel ! »
De son côté, Igor Kokoskov a également mis Doncic au parfum. Le nouveau head coach des Suns était également le sélectionneur de la Slovénie l’été passé, pour mener Goran Dragic et Luka Doncic jusqu’à la couronne continentale, une première dans leur jeune histoire.
Ce fut surtout un bon moyen de placer les choses en contexte pour le jeune Doncic. Kokoskov a ainsi expliqué que, durant le championnat européen de 1989 à Zagreb, Petrovic se levait à 6h du matin, prenait un assistant coach au passage dans sa Porsche 911 rouge et s’entraînait pendant que tous ses coéquipiers dormaient encore. Il arrivait au petit déjeuner de l’équipe deux ou trois heures plus tard avec un survêtement trempé de sueur… alors que ses coéquipiers ouvraient à peine l’oeil devant leur café !
« Avec tous ces objectifs que tu vises, tu dois entendre ces histoires. Tu dois savoir ce que ça demande. »
Sacré champion en Euroleague à Belgrade, en battant le tenant du titre du Fener en finale, Doncic a semble-t-il bien retenu la leçon. Elu également MVP de la saison régulière, plus MVP du Final Four et même MVP du championnat espagnol, Doncic a fait le grand chelem et se rapproche donc un peu plus de Petrovic au niveau du palmarès et de cette incroyable précocité au plus haut niveau !
« Doncic n’a pas de problème à jouer sous pression. Quand il joue, il donne l’impression d’être un joueur de l’élite depuis 15 ans », expliquait cette saison Zeljko Obradovic pour As. « Il a commencé sa carrière très jeune, c’est sa troisième saison en Euroleague où il est un joueur décisif, une personne très intelligente. Il a des points communs avec Drazen Petrovic. On les compare parce qu’ils jouent si bien si jeunes. Petrovic était un joueur différent et Luka doit être comme lui. Il sait ce qu’il doit changer pour aller là où tout le monde pense qu’il doit être. »
Entre la rage de vaincre de Bogdanovic, encore plus visible sous la tunique de la sélection serbe, et la précocité extraordinaire de Doncic, plus la pureté du shoot d’un autre Bogdanovic, Bojan, le plus proche héritier croate, Drazen Petrovic est encore bien présent. Son souvenir plane encore, telle une présence bienveillante, sur les parquets. Et ça ne risque pas de cesser de sitôt.
A lire -> « Putain de camion », le portrait de Drazen Petrovic
Kerry Eggers, journaliste au Portland Tribune
Quand avez-vous rencontré Drazen Petrovic pour la première fois ?
« Je l’ai rencontré lors de sa saison rookie, en 89-90, quand je commençais moi-même à couvrir les Blazers. C’était un gars très gentil, il apprenait encore l’anglais mais il se débrouillait plutôt bien. On communiquait bien. Et son truc, c’est qu’il voulait absolument jouer. C’était un rat des gymnases, pas forcément un bon défenseur, surtout à ses débuts mais un fantastique shooteur et un gros scoreur. Ses coéquipiers l’aimaient bien, c’était un bon coéquipier. »
Comment a-t-il réagi justement à ce manque de temps de jeu quand on sait qu’il était une superstar en Europe ?
« Il n’était pas content car il n’avait pas de temps de jeu. Il était habitué à prendre tous les tirs mais ce n’était plus possible derrière Clyde Drexler, et la 2e année, derrière Danny Ainge en plus. Il était le 3e arrière dans la rotation. Rick [Adelman] s’arrangeait tout de même pour le faire jouer, un peu avec Clyde, un peu avec Danny. Il a eu un peu de succès en playoffs [8 points par match face aux Spurs, au 2e tour des playoffs 1990] mais ça ne lui suffisait pas. »
Qu’est-ce qui l’a empêché de percer à Portland ? Y avait-il également une guerre d’egos dont on ignorait l’existence en coulisses ?
« Ce n’était pas nécessairement une question d’ego avec lui car il n’avait pas un gros égo. Il avait beaucoup de confiance en lui. Et il voulait surtout jouer ! Ne pas jouer lui a certainement mis un coup au moral, et son agent, Warren LeGarie, ne s’entendait pas tellement avec Rick, ce qui n’a pas aidé non plus. Drazen a demandé un transfert sa deuxième année, et une semaine avant la date limite, il était envoyé aux Nets. »
La différence culturelle a-t-elle joué à l’époque, l’écart étant encore plus important dans le style de jeux pratiqués entre l’Europe et la NBA ?
« Je ne pense pas que c’était un problème. Il s’était bien habitué à la langue, il s’était bien intégré à l’équipe, mais c’était la défense qui lui posait problème. Il n’était certainement pas habitué à jouer beaucoup en défense en Europe et il ne s’est peut-être pas assez donné en défense ici… Mais bon, ça ne veut pas dire que Clyde ou Danny étaient de bons défenseurs, car ils ne l’étaient pas. Mais ils étaient un peu meilleurs que Drazen, surtout que l’un et l’autre étaient de bons attaquants. Ce n’est donc pas que Drazen jouait mal mais il était tout simplement derrière de très bons joueurs. »
Comment se passaient les relations entre Coach Adelman et Drazen Petrovic ?
« Rick aimait beaucoup Drazen. Et à vrai dire, il pensait le faire jouer de plus en plus au fur et à mesure des saisons. Mais Drazen ne voulait pas attendre. Il avait déjà 26 ans lorsqu’il a demandé l’échange… Et il était très apprécié des fans d’ailleurs ! Les fans adoraient Drazen car c’était le type de joueur capable de prendre feu avec 18 points en 15 minutes. »
Et puis, il a explosé dans le New Jersey, avez-vous été surpris par son succès ?
« J’étais un peu surpris de la rapidité de son succès à New Jersey. Je ne crois pas qu’il était titulaire à son arrivée là-bas mais il est rapidement monté en grade. Il a tourné à 20 points de moyenne dès sa deuxième saison, et même une nomination dans le 3e cinq All NBA la suivante [en 1993]. J’ai été surpris qu’il ait du succès aussi vite. Car il est arrivé là-bas dans une équipe très moyenne. Mais il a toujours eu cette mentalité et il voulait être un gros scoreur en NBA. »
Propos recueillis à Portland
https://www.youtube.com/watch?v=vjHr3emL1Lc&t=2303s
https://www.youtube.com/watch?v=djOIqEqjeKI