Le basket made in USA, c’est un sport où le spectacle prime et où on mélange allègrement les considérations sportives et le business.
Mais le sport made in USA, c’est aussi les statistiques. Dans tous les sports majeurs outre-atlantique, l’analyse des données des matchs est faite de manière très poussée.
Pour faire le point, Basket USA vous présente une série d’articles consacrés au sujet. Après une introduction à la lecture des feuilles de match et à la notion de possession, nous traitons aujourd’hui de la mesure de l’efficacité au tir. Sujet plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord !
Le pourcentage de réussite aux tirs
La réussite au tir, c’est simple : on prend le nombre de paniers marqués, on le divise par le nombre de paniers tentés et on obtient le pourcentage de réussite.
Facile. Mais est-ce vraiment une mesure de l’efficacité au tir, et de l’impact offensif du joueur ? Clairement non.
Tout d’abord, il faut distinguer, évidemment, les 3 différents pourcentages de réussite existants : la réussite aux lancers-francs (FT% dans les documents anglo-saxons), la réussite aux tirs (FG%) et la réussite à trois points (3P%). Les trois marquent des points et contribuent à l’apport offensif du joueur. Mais le pourcentage au tirs « standard » inclut les 2 derniers de manière indifférenciée, et ne prend pas en compte les lancers-francs.
Ensuite, le pourcentage de réussite ne permet pas de comparer des joueurs à des positions très différentes, comme un arrière et un pivot. Pour un meneur ou un arrière, afficher plus de 55% de réussite au tir est tout simplement exceptionnel. Dans l’histoire de la NBA, seuls 22 meneurs/arrières l’ont réussi sur une saison en jouant plus de 50 matchs. A titre de comparaison, ils sont 221 pivots à l’avoir fait.
De la même manière, le style de jeu modifie la donne. La saison dernière, LeBron James avait une réussite au tir de 50,3%, contre 45,6% pour Kobe Bryant. Est-ce à dire que le second est moins bon shooteur que le premier ? Cela s’explique plutôt par un style de jeu différent, plus en pénétration pour l’autre, plus à mi-distance pour l’autre.
On voit donc que le simple pourcentage de réussite ne permet pas de mesurer de manière fiable l’efficacité au tir d’un joueur. Pour pallier ce problème, deux alternatives ont été créées.
Le pourcentage effectif de réussite (eFG%)
Le pourcentage effectif de réussite (ou effective FG%, eFG%) a pour objectif d’inclure les trois points dans la mesure de l’adresse. Il se formule de la manière suivante
eFG% = (Tirs réussis + 0,5 * Tirs 3 points réussis) / Tirs Tentés
On le voit, les tirs à 3-points se voient bonifiés d’un « bonus » de 0,5, soit 50%. Cela correspond au bonus de points obtenus en tirant derrière l’arc (3-points représentent 50% de plus de 2 points).
Soit dit en passant, on n’a davantage affaire à un pourcentage de tir au sens habituel, puisqu’il peut prendre une valeur supérieure à 100%. Darren Collison, dans le match fou des Pacers contre les Nuggets cette semaine, affiche une réussite de 12/14 aux tirs, dont 4/5 à 3 points. Son pourcentage effectif est alors de 100% (12 tirs réussis + 0,5 * 4 tirs à trois points réussis, pour 14 tirs tentés).
C’est finalement logique : pour un même résultat au score, un tireur à trois points pourra avoir une réussite « brute » inférieure, puisqu’il inscrit plus de points à chaque réussite.
Ainsi, si un joueur marque à 2 points 6 fois sur 13 tentatives, il marque 12 points à 46,1% de réussite au tir (6/13), identique à son pourcentage effectif de réussite. Si un autre joueur marque 4 fois à trois points sur 13 tentatives, il marque aussi 12 points. Son pourcentage de réussite au tir est plus faible (30,8%), mais son pourcentage effectif est identique ((4 + 0,5 * 4) / 13 = 46,1%).
On le voit, le pourcentage effectif ne relie pas simplement la réussite au tir, mais surtout le nombre de points marqués et le nombre de tirs. Il s’agit donc plus d’une mesure d’efficacité qu’un simple pourcentage de réussite.
On remarque d’ailleurs que le nombre de points marqués par tir tenté est le double de eFG%..
Le True Shooting Percentage (TS%)
Le pourcentage au tir réel (TS%), de son côté, vise à ajouter dans le calcul l’impact des lancers-francs. Il est directement relié au nombre de points marqués par possession où le joueur a tiré. Il s’attache aussi à inclure un bonus pour les tirs à trois points, mais aussi les lancers francs.
Il est calculé de la façon suivante :
TS% = (Points marqués / 2) / (Tirs tentés + 0,44 * Lancers francs tentés)
Comme vu dans le deuxième volet de la série, Tirs tentés + 0,44 * Lancers tentés est une estimation de possessions se finissant par un tir pour le joueur. Il prend donc en compte le nombre de fois où un tir a donné lieu à une faute et donc 2 lancer-francs.
Rappelons que lorsqu’il y a faute, aucune tentative de tir n’est enregistrée dans la box-score. Les tirs provoquant une faute sont donc comptabilisés via les lancers qu’ils génèrent. Généralement, un tir raté avec faute donne lieu à deux lancers, et on aurait attendu un coefficient de 0,5 au lieu de 0,44. Mais il y a d’autres raisons pour tirer un lancer (faute technique, …), et les grands gourous des statistiques ont travaillé pour nous indiquer qu’en moyenne le nombre de tirs ratés avec faute est estimé par 0,44 * Lancers francs tentés.
De son côté, la valeur Points marqués inclus bien évidemment les 2 points, les 3 points (valorisés 50% de plus que les 2 points) et les lancers francs (valorisés la moitié d’un tir à 2 points). La division par 2 permet de ramener le calcul à un « pourcentage », du même type que l’eFG%, c’est-à-dire qu’il peut « dépenser » les 100%.
Il s’agit donc de mesurer l’efficacité d’un joueur à marquer des points à chaque fois qu’il a la balle et tire, en incluant sa capacité à provoquer des fautes, et à rentrer les lancers francs.
Un joueur tirant et réussissant beaucoup de lancers francs sera donc favorisé. Lors de la rencontre du 3 novembre contre Sacramento, Kobe Bryant a rentré 9 tirs sur 22 tentés, soit 40,9% de réussite. Néanmoins, il a réussi à provoquer un nombre important de fautes, et s’est retrouvé sur la ligne de réparation à 10 reprises, marquant 9 fois. Au final, il a marqué 30 points (incluant 3 tir primés réussis).
Son TS% vaut donc 15 / (22 + 0,44 * 10) = 56,8%.
Au final ce sont toujours les intérieurs qui trustent les haut du classement si on en croit le True Shooting Percentage. C’est logique : à chaque fois qu’on donne la balle à un intérieur, la probabilité qu’on en ressorte avec des paniers marqués est plus importante qu’un arrière, que ce soit via des tirs ou des lancers. Evidemment, l’efficacité offensive d’une équipe repose sur l’équilibre intérieur-extérieur, et pour bien servir dans la raquette il faut avoir une menace extérieure.
En 2009-10, sur les 10 premiers au TS% (ayant joué plus de 20 minutes et 50 matchs), 7 sont des intérieurs. Le mérite de Mike Miller (6ème), Corey Maggette (9ème) et Steve Nash (10ème) n’en est que plus grand.
Conclusion
On l’a vu, le pourcentage de réussite au tir n’est pas satisfaisant pour mesurer l’efficacité offensive d’un joueur. Le pourcentage effectif de réussite et le pourcentage au tir réel, tente d’apporter une vision plus pertinente.
Les deux sont d’ailleurs complémentaires : le premier se concentre sur le tir dans le jeu, et s’attache à regarder les tirs réellement tentés. L’autre inclut les lancers-francs, mais pour cela doit s’en rapporter à une approximation du nombre de tirs, puisque le nombre de tirs ratés ayant provoqué une faute n’est pas disponible. L’amateur de statistiques utilisera alternativement l’un ou l’autre en fonction de ce qu’il souhaite mesurer.