Il y a 25 ans, jour pour jour, le 14 juin 1998, Michael Jordan mettait un point final, pensait-on, à sa carrière avec une dernière page écrite à l’encre dorée.
Dans la salle d’Utah, pour le Game 6 des Finals, l’arrière des Bulls est venu conquérir son sixième titre dans un match fabuleux d’intensité et de suspense et a laissé au monde entier un ultime souvenir de lui sous les couleurs de Chicago. Le plus beau peut-être. Un dernier shoot absolument parfait.
Un geste inoubliable
Les plus anciens ont sans doute vu ce match sur Canal+, commenté par George Eddy et Bruno Poulain. Vingt-cinq ans après, ils reviennent sur ce moment d’anthologie dont ils se souviennent évidemment. Pour le reste…
« Je ne garde aucun souvenir précis du match, sauf ce shoot sur Bryon Russell », avoue Bruno Poulain. « Je ne me souviens que de ça et c’est ce qu’il y a de mieux. »
En effet, difficile déjà de l’oublier quand on l’a vécu en direct dans la salle. Mais le journaliste de la chaîne cryptée, qui parle toujours avec gourmandise de ce dernier shoot, ne peut clairement pas passer à côté.
« J’ai une énorme photo du shoot, de un mètre sur deux, où l’on voit le public derrière Jordan. C’est la NBA qui me l’a offerte. Elle est dans mon bureau face à moi (rires). Donc chaque jour, en arrivant devant mon bureau, je vois ce panier de Jordan à six secondes de la fin. C’est une photo incroyable. Les spectateurs ont tous la bouche ouverte, à se dire : ‘Mon Dieu, il va mettre le shoot’. Cette photo, on peut la regarder pendant des heures. »
George Eddy ne peut que confirmer cette anecdote.
« Bruno a le poster de cette action dans son bureau. C’est extraordinaire, légendaire. On voit Jordan ainsi que le visage des fans. Ils anticipent, ils craignent, ils attendent ce moment, ce résultat. Ils sont témoins d’un moment d’histoire. Ils étaient en train de perdre la finale sur une action. On voit tout dans cet instantané. »
La magie Jordan
Un moment annoncé par Bruno Poulain quelques instants auparavant. À 59 secondes de la fin de rencontre, il dit au micro : « C’est peut-être le dernier match de Michael Jordan, imaginez qu’il mette le dernier tir, celui du titre. »
« Qui a dit ça ? », demande-t-il, avant qu’on lui rappelle que ce sont ses propos. « Je suis vraiment un génie ! (rires). Il y avait d’autres excellents shooteurs autour de Jordan, donc c’est un coup de poker. »
Mais c’est cette sensation de déjà-vu et également d’histoire qui s’écrit devant leurs yeux que les deux hommes retiennent.
« Tout semblait avoir été écrit à l’avance (rires). C’était un moment invraisemblable à commenter », assure Bruno Poulain. « Pour moi, c’est le plus grand moment de l’histoire de la NBA. Il y a eu, bien sûr, d’autres moments extraordinaires depuis, je pense notamment à LeBron James contre Golden State en 2016, mais il n’y a pas la magie qu’il y avait autour de Jordan. »
Une magie observée lors de son passage en France, quelques mois avant ce dernier match, en octobre 1997.
« Si on aime le basket et le sport en général, Jordan a marqué l’histoire sportive de Canal+ », poursuit-il. « Quand il est venu à Nulle Part Ailleurs, plus personne ne travaillait dans les bureaux de la chaîne. Les gens sortaient du bureau pour le voir arriver. Le personnage était vraiment hors norme. »
Le sommet et la fin d’une époque pour George Eddy
George Eddy avait déjà prophétisé l’impact inouï de ce shoot à l’époque, en déclarant dans les secondes qui ont suivi la fin de rencontre qu’il avait « vécu peut-être la chose la plus grandiose qu’on a jamais vue sur Canal+ avec la NBA ». Est-ce toujours le cas, plus de deux décennies plus tard ?
« Je pense que oui. Depuis 1998, je n’en vois pas d’autre. Gagner un titre NBA sur le dernier shoot, c’est immense. J’ai suivi presque toutes les Finals depuis les années 1970 et je ne me souviens pas d’un shoot aussi décisif, à six secondes de la fin – sauf le shoot de John Paxson en 1993. C’est peut-être le plus grand instant de l’histoire de la NBA. L’action commence par une grosse défense. On parle du meilleur joueur de tous les temps. Il allait probablement arrêter sa carrière et marquer la fin d’une époque avec un palmarès inégalé et inégalable. Beaucoup de choses culminent avec ce tir. »
Il est vrai que si le shoot à 3-pts de Kyrie Irving dans le Game 7 des Finals 2016 est lui aussi immense, il est inscrit à 53 secondes du terme de la rencontre. Il restait encore des possessions. Même chose pour le tir de Steve Kerr dans le Game 6 des Finals 1997. Au moment où l’actuel coach des Warriors shoote, les deux équipes sont à égalité (86-86). La pression est donc moins forte que dans les cas de Paxson – les Bulls sont derrière de deux points – et Michael Jordan en 1998 : 86-85 pour le Jazz quand il vole le ballon dans les mains de Karl Malone.
Durant son illustre carrière, « Mister George » a commenté nombre de grands matches dans les sports américains ou aux Jeux olympiques. Mais ce « Last Shot » est vraiment unique.
« J’ai beaucoup de grands souvenirs. Le plus beau match que j’ai vu reste la finale olympique 2008. Je pense aussi aux Finals 1993, peut-être les plus belles de Jordan en terme de qualité, avec des gros scores, des victoires à l’extérieur, des prolongations. Mais pour 1998, c’est le contexte qui m’a marqué : terminer le match avec l’interception et le shoot décisif, gagner à l’extérieur, Jordan inscrit 45 points. Tout était réuni pour l’obliger à sortir le grand jeu : la blessure de Scottie Pippen, le déroulement du match, très serré, avec ce scénario hollywoodien. Pour la NBA, c’est sans doute mon plus beau souvenir. »
Article initialement publié le 14 juin 2018