« Je n’oublierai jamais ce jour de fête des mères ! », en sourit Casey Bannerman. À l’instar de tous les fans des Raptors, cet artiste basé à Toronto gardera en mémoire ce dimanche 12 mai 2019. Car plus que la célébration des mamans canadiennes, cette journée est marquée par le shoot historique de Kawhi Leonard, pour sortir les Sixers. Casey est parmi les 20 000 chanceux de la Scotiabank Arena à le voir en direct, section 110, rang 3. Pareille action et dramaturgie sont du pain béni pour lui qui puise dans l’univers NBA depuis plusieurs années pour ses créations.
Ce soir-là, à peine rentré chez lui, le voilà qu’il se met au travail. « Avec les rebonds sur le cercle de son tir, j’ai directement repensé à ce tir de Vince Carter en 2001 (ndlr : il avait manqué son dernier tir du match face aux Sixers), je voulais faire un parallèle », nous confie-t-il. Le trentenaire, abonné à l’année pour voir son équipe, se ravise finalement pour se concentrer sur la posture, devenue presque mythique depuis, d’un Leonard accroupi. Avec l’évocation de ces fameux rebonds, les « bounces ». Dès le lendemain du match, Casey assurait avoir vendu une centaine de tee-shirts avec le motif en question.
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Casey Bannerman est un bon exemple d’une génération récente de créateurs qui allient leur passion du basket avec l’art. Avant de baigner dans le « basketball art », il a démarré sa carrière en tant que graphiste pour des marques de compagnies basées à Toronto ou Montréal. Un métier créatif qu’il doit justement aux Raptors. « Lorsque la franchise a été créée en 1995, c’est comme s’il s’agissait d’un cadeau pour les enfants comme moi. Les Raptors, Jurassic Park… Je voulais être paléontologue ! » Il a finalement penché pour un passe-temps connexe : dessiner… des dinosaures. D’où son style très « comics » d’aujourd’hui.
« Les gens avaient l’air surpris par cette association entre basket et art »
Pressentant l’engouement potentiel autour des illustrations NBA, il quitte son job de graphiste pour se lancer définitivement sur ce marché relativement jeune. D’autres l’imitent. Basé à New York, Vince Chang a lui aussi un passé de designer chez le célèbre fabricant de cartes à collectionner, Upper Deck. Connu pour ses travaux NBA sous Photoshop, il a voulu élever le « basketball art au niveau artistique, pas seulement graphique ». C’est en prenant connaissance d’une exposition organisée à Toronto par Ron Artest, intitulée… « Lovable Badass » (!), qu’il se lance dans l’organisation d’expositions partout dans le monde. « Les gens avaient l’air surpris par cette association entre basket et art. Ça m’a donné la motivation. »
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Il organise un premier show à Taïwan en 2013. Des démarrages timides car ils ne sont que deux artistes exposants, dont lui-même. Mais son collectif d’artistes, Conscious Basketball, prend année après année une autre dimension. Il organise plusieurs shows à San Francisco, sponsorisés par la franchise NBA locale, les Warriors. Puis ce sont les Raptors qui ont contacté le collectif pour un nouveau rendez-vous. Ainsi en janvier dernier, l’exposition « Art of the North » a réuni une trentaine d’artistes du monde entier et plus d’une centaine d’œuvres dédiées aux Raptors.
Parmi les locaux, Casey Bannerman en était, tout comme Maddy Rotman, une jeune étudiante en business basée à Toronto, ainsi que Patrick Mutombo, assistant coach des Raptors ou même Ajiri Ujiri, frère du président de la franchise. « Honnêtement, je ne savais pas combien d’œuvres nous allions pouvoir générer avec les Raptors car ce n’est pas l’équipe la plus populaire », confie Vince Chang, conservateur de l’exposition canadienne. Il a été agréablement surpris : « Il y a un vrai élan artistique autour de cette équipe. C’est la seule franchise à l’extérieur des États-Unis, ils voulaient faire quelque chose de spécial. Cela se ressent dans leur travail qu’ils sont plus « affamés » parce que leur équipe n’a jamais gagné. Les artistes de San Francisco sont peut-être un peu arrogants avec le succès des Warriors ! »
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Une passion désormais rémunérée
Cet engouement pour ces créations dépasse les seuls protagonistes de la prochaine finale NBA. « Quand j’ai démarré en 2013, Instagram n’avait pas la même force de frappe qu’aujourd’hui, rappelle Vince Chang, qui est en discussion avec les Sixers pour une nouvelle exposition en octobre prochain. On faisait ça par passion, sans pouvoir vraiment en vivre. Désormais, on nous passe commande pour créer du contenu. » Ce qui explique pourquoi certains sont très difficilement joignables à cette période de l’année.
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« Parfois, je me dis que ça n’a aucun sens que je gagne de l’argent avec ça ! », s’étonne encore Casey Bannerman. Mais la viralité des réseaux web permet à lui comme aux autres de toucher le plus grand nombre, y compris les joueurs de la ligue. Il est par exemple en discussion avec Pascal Siakam et Fred VanVleet qui ont tous les deux leur propre marque de vêtements. Maddy Rotman, elle, s’était fait remarquer par DeMar DeRozan, si bien que les Raptors lui avaient demandé de créer des illustrations pour soutenir la candidature de Kyle Lowry pour le All-Star game 2017. En France, les oeuvres de Caroline Blanchet sont aujourd’hui connues de tous puisqu’elle travaille pour la NBA, la FIFA mais aussi le PSG et l’UEFA.
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En misant sur le basket, les artistes pensent tenir une source d’inspiration inépuisable. « On peut faire de l’art avec tous les sports, estime Vince Chang, mais le basket est le plus dynamique de tous. Il y a tellement d’ingrédients. Chaque joueur a son style de jeu, leurs visages ne sont pas couverts, il y a ces surnoms, la barbe de James Harden… » « Je me fous de notre roster, complète Casey Bannerman, qui dit avoir ressenti un effet Leonard cette saison. Même si Kawhi s’en va cet été, il y aura toujours des histoires à raconter. »
À Toronto.