Alors qu’il a eu 30 ans le 23 mars dernier, Facundo Campazzo a reçu un très joli cadeau de la part de sa ville natale de Cordoba, dans le nord de l’Argentine.
La municipalité de son quartier d’enfance (Alta Córdoba) l’a tout simplement choisi pour donner son nom à la salle de basket où l’actuel meneur des Nuggets a fait ses premiers pas.
Si « El Facu » n’était évidemment pas sur place, lancé en plein dans sa première campagne américaine, ses parents et ses premiers entraîneurs étaient pour le coup tous réunis et Campazzo a fait une apparition par écran interposé.
Humble héros du quartier, Campazzo était évidemment le sujet de toutes les conversations, avec de nombreux souvenirs du gamin habile et malicieux qui sont ressortis des mémoires et des archives du club local.
Il casse la télé chez lui
« Enfant, il était terrible, absolument hyperactif, un démon qui vivait en jouant au ballon », se souvient María Elena Avedano, la mère de Facundo, sur le site de la Fédération argentine. « Un jour, à force de lancer sa balle dans tous les coins, il a fait tomber un morceau de plâtre du plafond. Je me souviens qu’il était tombé sur la télé et la console, et ça avait tout cassé. J’ai donc décidé qu’il devait passer plus de temps à la salle. »
Comme de nombreux gamins élevés en milieu urbain, le jeune Facundo a de l’énergie à revendre et pas assez d’espaces pour l’exprimer. Fort heureusement, le sport en général, mais le basket en particulier, vont lui permettre de la canaliser et mieux, de la faire fructifier.
« Oui, il était comme ça », confirme son coach de l’époque, Roberto Dall’Amore. « Si vous regardez les photos ou les vidéos de l’époque, dans ses yeux, dans le brillant qu’ils ont, vous vous rendez compte que c’était un garçon très éveillé et très concentré, passionné par ce qu’il faisait. Facu était toujours heureux. En dehors du terrain, c’était un enfant normal, même un peu timide au début, toujours proche de sa mère, mais quand il entrait sur le terrain, il était transformé et heureux, avec une caractéristique marquée : il tenait le jeu, l’intensité et la concentration tout au long de l’entraînement. »
Ironiquement, le jeune Facu n’aimait pas faire la passe
Issu d’un milieu modeste, Campazzo prenait surtout plaisir à passer du temps avec les gamins de son âge. Quand c’était le temps des vacances, la balle orange prenait alors une place encore plus importante qu’à l’accoutumée.
« Facu a grandi dans un contexte idéal. La communauté d’Alta Córdoba est essentiellement de la classe moyenne, avec de nombreux parents enseignants, employés d’entreprise et professionnels qui s’intéressent à l’école, car les garçons sont éduqués et considèrent le club comme une référence en matière d’éducation », reprend Dall’Amore. « La municipalité a toujours été une grande famille et dans ce contexte de club de quartier, Facu a été formé avec ses amis et tant d’autres garçons de son âge. Il y passait des heures et des heures, de midi à tard dans la nuit, surtout pendant la période des vacances scolaires. Ils faisaient tout, même des concours de plongeons dans la piscine… Je me souviens que j’ai toujours dit aux professeurs qui se plaignaient que les garçons tournaient autour de nous toute la journée : Quoi de mieux pour eux d’être ici, de tout faire ensemble, de jouer. L’institution est faite pour ça, pour faire du sport. Ainsi, en plus, ils ont favorisé le développement moteur et la coordination. Et puis, ils s’amusaient, tout simplement… »
De manière tout à fait ironique, Campazzo, aujourd’hui connu pour sa qualité de passe et son altruisme exemplaire, était en fait un soliste forcené quand il était gamin en Argentine. Il n’aimait tout simplement pas faire des passes. En petit génie sûr de son talent, il voulait garder le ballon rien que pour lui…
« Il y a six ans, quand Facu est passé au club pour mes adieux, je lui ai demandé de dire quelques mots, quelques conseils pour tous les garçons en formation qui étaient là… Il m’a demandé de quoi il devait parler et j’ai suggéré le sujet de la passe, de l’importance de la passe », raconte son premier coach. « Vous me demandez ça à moi ? Vous ne vous souvenez pas comment je vous ai fait chier avec ça? », a-t-il répondu. Et j’ai ri, car c’est vrai que gamin, je n’y avais pas réussi. Je lui avais demandé « pourquoi ne pas le prêter, il n’y a qu’une balle et les autres garçons veulent aussi jouer ». Et lui, je me souviens, qu’un jour il m’a regardé en souriant et m’a dit : « parce que je n’aime pas les passes, je veux avoir le ballon » (rires). Et quelle ironie qu’il soit devenu un si formidable passeur. »
Une progression constante jusqu’au sommet de la Ligue argentine
De 4 à 14 ans, Facundo Campazzo a fait partie de l’histoire de son petit club de quartier. Mais talent précoce, il a ensuite a été prêté à Unión Eléctrica. C’est justement avec cette équipe qu’il a disputé un tournoi national, dans la salle de son futur club de Mar del Plata, où, à 15 ans, il jouait contre des garçons de 18 ans. C’est là qu’il s’est fait repérer…
« Il a été le premier joueur de cet âge à qui nous avons payé un salaire minimum pour qu’il puisse payer les frais de déplacement pour venir s’entraîner », explique Mario Cavagliatto dans La Voz. « Celui qui l’amenait était Mauro Felauto, car il avait parlé avec sa mère en premier et nous avions tous discuté ensemble de ce fonctionnement. »
Avant de faire ses valises pour la première fois de sa vie et de quitter Cordoba, Campazzo a bien bûché. Toujours partant pour travailler son jeu et progresser dans son basket, Facu avait déjà quelques caractéristiques qu’on lui connaît encore aujourd’hui qu’il est devenu international et joueur NBA à temps plein.
« Quand nous nous entraînions à Union, Facu restait toujours des heures pour tirer et pratiquer la technique de tir après les entraînements. A ce moment-là, l’équipe jouait en deuxième division et ils ont corrigé certaines choses sur sa gestuelle. Parfois il était frustré mais le nain n’a jamais cessé d’essayer », racontait affectueusement son coéquipier de l’époque, Gonzalo Álvarez, avant d’ajouter, non moins affectueusement. « Il disait ‘putain’ tout le temps et il ne restait jamais immobile. C’était assez insupportable. »
Une fois à Mar del Plata, dans le Club Athletico Peñarol, Campazzo a entamé sa carrière professionnelle pour de bon. De 2008 à 2014, il va rafler tous les trophées possibles et imaginables en Argentine, devenant notamment « révélation de l’année » et MVP de la Coupe d’Argentine dès sa deuxième saison. Il sera par la suite MVP des Finales en 2012 et 2014, date à laquelle il traversera l’Atlantique (une première fois) vers le grand Real Madrid.