C’est la première image qui vient en tête lorsqu’il est question de ce match légendaire. Le 2 mars 1962, Wilt Chamberlain, le pivot vedette des Warriors, réalise l’un des plus grands exploits du sport : inscrire 100 points dans le même match, face aux Knicks ! Un chiffre tout rond immortalisé par cette photo non moins légendaire. La « photo ultime » de Wilt Chamberlain qualifiera le biographe du géant, Robert Cherry.
Que s’est-il passé dans les travées de la Hershey Sports Arena (Pennsylvanie), à l’issue de cette performance encore jamais égalée, pour qu’un tel cliché soit pris ?
Le premier nom à retenir est celui de Harvey Pollack. Ce soir-là, celui qu’on considérera plus tard comme une légende des statistiques au sein de la ligue, doit officier en tant que directeur des relations publiques des Warriors ainsi que statisticien du match. Mais pas seulement : il est également mis à contribution pour couvrir la rencontre auprès de l’Associated Press, le Philadelphia Inquirer et l’United Press International !
« Le Philadelphia Inquirer a décidé de ne pas envoyer son journaliste pour couvrir le match. Ils m’ont demandé de le faire pour eux. J’ai apporté ma machine à écrire portable. Parallèlement, l’AP et United Press International avaient des collaborateurs à Harrisburg, mais ils ne connaissaient pas grand-chose au basket », s’est souvenu l’homme à tout faire en 2012, quelques années avant son décès, considérant que ce match était aujourd’hui connu de tous en grande partie grâce à son travail. « La plus grande soirée en 65 ans de carrière dans la ligue. »
Le photographe présent… comme spectateur !
Ce soir-là, le Philadelphia Inquirer veut par exemple le moindre détail sur les 36 tirs convertis par le pivot (36/63 au total et 28/32 aux lancers-francs !). Après des vérifications de chiffres avec Dave Richter, le marqueur officiel, direction les vestiaires.
Wilt Chamberlain est déjà là, assis sur un tabouret. Harvey Pollack remarque alors un des rares photographes présents, Paul Vathis, de l’AP, en train de patienter. Le professionnel de l’image, qui n’est autre que le lauréat 1962 du prestigieux prix Pulitzer pour son cliché de John F. Kennedy et Dwight D. Eisenhower à Camp David, se retrouve ici presque par hasard. Il est venu au match comme simple spectateur, y emmenant son fils pour son dixième anniversaire. Le photographe a dû se précipiter dans sa voiture pour récupérer son appareil en cours de soirée !
« Tu as déjà pris tes photos ? », lui demande dans le vestiaire Harvey Pollack, qui a rapporté la scène dans un documentaire consacré au match.
– Paul Vathis : Je ne sais pas quoi prendre. Qu’est-ce que je peux faire ?
– Harvey Pollack : Est-ce qu’il s’est passé quelque chose d’inhabituel ici ce soir ?
– Paul Vathis : Oui, Wilt a marqué 100 points.
– Harvey Pollack : Faisons quelque chose pour marquer le coup. »
Le statisticien, qui ne veut pas simplement faire poser le joueur avec le ballon, s’adresse alors à Jim Heffernan, rédacteur du Philadelphia Bulletin. « Tu as du papier Hef ? » Le journaliste lui donne une feuille de son cahier de notes sur lequel il allait écrire l’histoire. Une fois le nombre « 100 » griffonné, Harvey Pollack tend la feuille à l’intérieur : « Tu vois ce symbole ? Cela montre ce que tu as fait ici ce soir, un photographe va prendre une photo de toi. » Et Wilt Chamberlain de répondre : « Hey, super idée ! »
Pas besoin de légende
« Mon père avait juste besoin d’une idée. Il a écrit ‘100’ sur un morceau de papier, que nous n’avons pas gardé, et ils l’ont pris en photo. C’était juste une idée rapide. Il a pensé que la chose la plus simple était d’écrire le numéro et de le lui faire tenir. Ça dit tout. Vous n’avez pas besoin de légende. Une image vaut cent points », formulait Ron Pollack en 2016 à propos de la démarche de son père.
« C’est juste Wilt assis sur ce banc, regardant d’un air penaud un appareil en tenant un bout de papier. Mais ça marche », jugeait Gary Pomerantz, auteur du livre ‘Wilt, 1962’. « C’est aussi génial que n’importe quelle image prise dans le basket. Que ce soit les dunks de Julius Erving, Michael Jordan en lévitation, ou le ‘sky hook’ de Kareem (Abdul-Jabbar), cette image les surpasse toutes. »
Une image iconique pour un match iconique que Randall Vathis, qui fêtait ses dix ans donc pour l’occasion, n’oubliera « jamais. C’était juste une merveilleuse soirée. Je me rappelle avoir pensé : ‘C’est un nombre à trois chiffres’. Je n’avais jamais pensé que de mon vivant quelqu’un pourrait marquer autant. Personne, personne, n’a fait ce que ce gars a fait. » Heureusement que son père et son « conseiller » étaient là pour l’immortaliser.
À (re)lire :
Le poster de LeBron James sur Jason Terry
Derrick Rose, le plus jeune MVP