Connu pour avoir été l’un des tout premiers joueurs britanniques à jouer en NBA, John Amaechi l’est aussi pour avoir été le premier joueur non-drafté à être titulaire pour son tout premier match, avec les Cavs en 1995.
Il a également été le premier joueur NBA à faire son « coming out« , en 2007, quatre ans après la fin de sa carrière dans l’Utah. Et il est fort probablement le premier joueur NBA à être devenu un psychologue reconnu dans son domaine.
Diplômé, charismatique, cultivé voire anticonformiste sous certains aspects, Amaechi n’est clairement pas le joueur lambda.
Alpagué en pleine rue à Manchester
Comme, quand il a fameusement refusé une offre de 17 millions de dollars de la part des Lakers en 2000, choisissant de rester à Orlando… à 600 000 dollars la saison ! Pour remettre du contexte, c’est sous la tunique du Magic que le pivot britannique avait connu sa meilleure saison, à 10 points en 21 minutes, dans une équipe dont il loue encore les qualités humaines à ce jour…
« J’ai commencé le basket à 17 ans », rappelle Amaechi chez Dan LeBatard. « C’est la première fois que je touchais un ballon de basket ! Je portais des shorts de rugby et des tennis, c’est tout ce que j’avais ! Sur un panier pourri avec un mur juste derrière le panier. Il fallait mettre le pied [sur le mur, après les layups] et on se tordait les chevilles à se réceptionner comme ça… A vrai dire, c’est un homme dans la rue qui m’a alpagué à Manchester. Je revenais de la bibliothèque avec une pile de livres de Sci-Fi et j’allais dans un fast food. Je descendais Market Street et j’essayais d’échapper au regard des gens qui me croisent. Du genre, oh, il est grand lui ! Et ce gars se met en travers de mon chemin et me force à le regarder. Et il ne m’a pas dit : oh, tu devrais jouer au basket, ce qui, par ailleurs, m’arrive encore à ce jour, malgré ma barbe grisonnante [rires] ! Il m’a simplement dit : tu sais que tu serais excellent au basket, toi ? Rendez-vous compte, à l’époque, je ne savais même pas ce qu’était le basket. Ça m’a frappé, alors que j’avais mes bouquins et mes tartes à la main. Personne, à part ma mère, ne m’avait jamais dit que je pourrais exceller dans un domaine. Aucun prof, aucun proche, personne. Je ne sais pas qui est cette personne, je ne l’ai jamais su, mais il m’a donné un nom, Dave McLane, indiqué plusieurs terrains où je pourrais jouer. Et ça a commencé comme ça. »
Rapidement accueilli à bras ouverts sur les terrains de Manchester, avec son gabarit peu commun en Angleterre, Amaechi s’épanouit grâce à la balle orange.
Après 45 minutes de jeu, dont un énorme manqué sur la première passe qu’on lui a fait (« j’ai applaudi [en ratant la balle] ») et un air ball de deux mètres à côté du panier pour son tout premier tir, Amaechi rayonnait au milieu de ces trois nouveaux amis qui discutaient de la NBA et de Los Angeles : « Oui, c’est là que je veux aller. Vous verrez les gars, je vais jouer en NBA ! »
Le défi était lancé.
A la conquête de l’Amérique dans les années 80
A l’époque, le jeune Amaechi s’entraînait deux fois par semaine. Ne pouvant pas payer les tickets de bus, il marchait jusqu’à une station service où un de ses coéquipiers venait le chercher pour l’amener à la salle. Il fera ça pendant un an, avant de trouver miraculeusement une bourse de scolarité dans un lycée jésuite du fin fond de l’Ohio.
En traversant l’Atlantique à la fin des années 1980, Amaechi ne le savait pas encore, mais il allait aussi voyager dans le temps !
« Ensuite, j’ai commencé à me renseigner sur les lycées aux Etats-Unis. N’oubliez pas, on est largement avant Internet… Un jour, ma mère m’a ramené un bouquin de la commission Fulbright, et j’ai commencé à pointé plusieurs lycées sur les pages du bouquin, avec un stylo. Au hasard ! Et c’est ceux-là que j’ai contactés, environ 3 000 [300 peut-être ?], en envoyant des enveloppes timbrées… Je me présentais comme faisant 2m06, Anglais et noir, dans cet ordre-là [rires] et je veux jouer pour votre équipe. Il fallait que je précise noir car ils allaient penser que Hugh Grant allait débarquer pour une bourse basket [rires]. J’ai reçu trois réponses seulement ! L’une d’elles provenait d’un des meilleurs lycées du New Jersey avec la signature du coach. Ça disait simplement : On est l’équipe qui a gagné le plus de matchs dans l’histoire de l’état du New Jersey, on n’a pas besoin d’imports ! » Une réponse complètement gratuite : pourquoi répondre !! Mais comme j’étais un ado bêta, j’avais mis des timbres britanniques sur les enveloppes pour le retour ! Finalement, j’ai reçu une offre de Toledo St John’s, coaché par Ed Heintschel, un gars incroyablement terrifiant mais incroyablement gentil, une combinaison super bizarre. Il était terrifiant quand il était sur le terrain, à nous faire courir dans tous les sens et sur les pistes d’athlé. Mais aussi super gentil à m’accueillir chez lui, et dans sa cabane au bord d’un lac du Michigan. C’était dingue pour moi. On partait dans sa voiture avec des ceintures automatiques. Je découvrais ça, pour moi, c’était le futur ! Et l’air conditionné, incroyable ! On allait ‘chasser’ des tortues, en essayant surtout de pas se faire pincer ! »
Bien accueilli en NBA par Scottie Pippen !
Une fois le choc culturel digéré, Amaechi peut graduellement montrer ses progrès sur les planches. En l’occurrence, le tournant survient lors d’un tournoi en Floride, au terme d’un interminable « road trip » long de 1 650 kilomètres, ceux qui séparent Toledo (en Ohio) dans le Nord-Est du pays à Ocala, en Floride.
« C’était le Kingdom of the Sun Tournament en Floride. On avait pris le bus de Toledo jusqu’en Floride ! On était installé dans un Howard Johnson qui avait une piscine, c’était incroyable. Je ne savais pas que les hôtels pouvaient avoir des piscines [rires] ! On avait joué contre DC Dunbar. A l’époque, c’était un lycée côté, avec une grosse équipe. Mais on leur a botté les fesses ! Et j’ai fait un bon petit match contre un gars qui était un prospect. Ce tournoi a tout changé pour moi ! Ma mentalité a changé à ce moment-là. Je savais que mon temps était limité. Je devais m’y mettre sérieusement si je voulais atteindre mes objectifs [de NBA, promis à ses copains britanniques]. »
Passé par Vanderbilt puis Penn State à l’échelon universitaire, Amaechi vivra une soirée difficile à la Draft 1995, à attendre vainement qu’on appelle son nom, et ce malgré plus de 15 points et 9 rebonds de moyenne en trois saisons dans la Big Ten.
Le Grand Breton trouvera refuge dans l’état qui l’a accueilli à son arrivée outre-Atlantique, en Ohio, chez les Cavs alors que le pivot titulaire, Michael Cage connaît plusieurs blessures. Avec un comité d’accueil prestigieux, dont un certain Scottie Pippen lors d’un match exhibition à Kansas City…
Sur son tout premier tir dans la Grande Ligue, Scottie Pippen surgit et propulse son tir loin dans les gradins sur un contre magistral. Avec les compliments du champion des Bulls : « Bienvenue dans la Ligue, rook ! »
L’humain avant l’argent
Rentré en Europe avec un passage par Cholet (pour se relancer), puis le Panathinaikos et la Virtus Bologne (pour montrer sa valeur au plus haut niveau), Amaechi peut retourner en NBA avec un nouveau statut à l’été 1999. Orlando flaire le bon coup et c’est un contrat « gagnant – gagnant » avec le joueur qui réussit tout simplement sa meilleure saison en carrière, à plus de 10 points à 44% de réussite, dont un record à 31 points le 11 mars 2000 pour battre les Nuggets.
« Orlando, c’était super. Et pas seulement parce que c’est l’année où j’ai le mieux réussi dans ma carrière. C’était une équipe de laissés pour compte. Je me souviendrai toujours de Darrell Armstrong qui répondait à un journaliste : Mais de quoi vous parlez ? [La progression de ‘Meech’ ne me dérange pas du tout], on va continuer à grimper sur ce cheval tant qu’il peut courir et quand il sera fatigué, on s’agrippera à un autre ! C’est très rare de faire partie d’une équipe comme celle-là. On avait aucun problème à partager le ballon tant qu’on gagnait les matchs. »
Courtisé par les Lakers l’été suivant, avec un gros contrat à la clé, Amaechi privilégie le Magic, à la grande surprise des fans NBA, mais aussi du grand public ! L’humain avant l’argent, une position forte qui caractérise parfaitement John Amaechi.
Un joueur de basket qui sait raison garder et, mieux encore, qui a mené une réflexion poussée sur sa propre condition…
« Ce n’est pas du dédain [que j’ai pour ma carrière de basketteur], c’est plutôt une distance appropriée. Parfois, les gens devraient réfléchir à réduire leur profession à ses principes fondamentaux : qu’est-ce qu’ils font vraiment pour gagner leur vie ? Pour voir si cela a un sens, si ça apporte quelque chose, si c’est brillant. Personnellement, j’ai mis un ballon dans un panier pour gagner ma vie pendant vingt ans ! Après, on peut citer le regard admiratif des enfants, les contrats de sponsoring, dont je n’ai pas vu la couleur [rires], ou tout un tas d’autres choses, mais fondamentalement, j’ai mis un ballon dans un panier pour vivre. Et bien gagner ma vie à ça ! Mais il y a des gens qui nous écoutent qui peuvent, avec leurs yeux et leurs mains, réparer une voiture, réparer une machine. Il y a des gens qui font ça avec des humains, des éducateurs qui travaillent avec des enfants par exemple. Quand ils cristallisent leur travail, ça donne un joyau. Je n’ai pas de dédain [pour le basket], simplement une distance appropriée. »
Photo : DR
John Amaechi | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
1995-96 | CLE | 28 | 13 | 41.4 | 0.0 | 57.6 | 0.5 | 1.4 | 1.9 | 0.3 | 1.8 | 0.2 | 1.2 | 0.4 | 2.8 |
1999-00 | ORL | 80 | 21 | 43.7 | 16.7 | 76.6 | 0.8 | 2.6 | 3.3 | 1.2 | 2.0 | 0.4 | 1.7 | 0.5 | 10.5 |
2000-01 | ORL | 82 | 21 | 40.0 | 0.0 | 63.1 | 0.9 | 2.3 | 3.3 | 0.9 | 2.1 | 0.3 | 1.5 | 0.4 | 7.9 |
2001-02 | UTH | 54 | 11 | 32.5 | 0.0 | 63.8 | 1.0 | 1.1 | 2.0 | 0.5 | 1.2 | 0.1 | 1.0 | 0.2 | 3.2 |
2002-03 | UTH | 50 | 10 | 31.4 | 0.0 | 48.1 | 0.5 | 1.0 | 1.5 | 0.4 | 1.0 | 0.3 | 0.7 | 0.1 | 2.0 |
Total | 294 | 16 | 40.3 | 7.7 | 67.1 | 0.8 | 1.8 | 2.6 | 0.8 | 1.7 | 0.3 | 1.3 | 0.3 | 6.3 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.