En se présentant au guichet presse du Palais des sports Marcel Cerdan, une question vient à l’esprit : sait-on à l’avance qui sont les joueurs conviés en conférence de presse d’après-match ? « C’est pour Victor, hein ? », devine en souriant Martin, bénévole de longue date des Metropolitans 92, qui distribue les badges d’accréditation aux journalistes.
Pour ce match en milieu de semaine face au Mans, une trentaine d’accréditations a été accordée contre une cinquantaine habituellement pour de plus grosses affiches. Le public, aussi, malgré une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites, est au rendez-vous pour garnir les 2 800 places de la salle.
« On a de nouveaux spectateurs, des gens qui découvrent presque qu’il y a une pépite en France. Depuis Las Vegas, c’est la déferlante. Ça a été déclencheur de la vague au niveau des médias », décrit le bénévole dont le propre père peut désormais citer deux basketteurs français : « Tony Parker et le Victor de ton club ! » Victor Wembanyama, le nom est sur toutes les lèvres. « Je crois qu’on est là pour la même chose », glisse, en tribune de presse, le correspondant franco-américain du Wall Street Journal venu lui aussi sentir l’engouement autour de l’international français.
« J’ai couvert le match NBA à Bercy. Les trois stars de la soirée, c’étaient TP, Magic (Johnson) et Wenby », se souvient François Beneytou qui se rend régulièrement à la salle de Levallois-Perret couvrir les Mets 92 pour l’AFP. Celui-ci, comme d’autres, est persuadé que le géant local attire, en plus des fans habituels et un public de connaisseurs, des néophytes. Exemple avec Geoffrey, 37 ans, venu de Charenton-le-Pont, qui admet ne « pas trop » suivre le basket et qui a plutôt été « entraîné » par son fils Liam, 8 ans (en photo à droite).
Plus loin dans les gradins, on croise Corentin, 26 ans, dont le dos est également couvert d’un maillot au numéro 1 floqué. « Je suis vraiment fan de NBA à la base. C’était important pour moi de le voir avant son départ. L’ambiance est énorme, on sent que les gens viennent surtout pour lui », a aussi l’impression le jeune homme basé au sud de Paris. « J’ai annulé direct un anniversaire et des soirées, pour lui ! », s’enthousiasme plus loin Théo, 28 ans. Cet habitant d’Issy-les-Moulineaux dit avoir eu « la chance de le voir deux fois d’affilée. Il n’y aura peut-être pas de troisième fois… »
Garder toujours un œil sur la billetterie
Théo suivait déjà l’équipe parisienne la saison passée, quand « Victor » évoluait encore à l’Asvel. « Avec mon pote, on jouait en loisir. On nous offrait des places gratuites, on venait et la salle était remplie à moitié, maximum aux trois-quarts. Maintenant, il faut vérifier la billetterie tous les jours. Si non, aucune chance d’avoir une place », poursuit le fan.
Pendant ce temps-là, « Wenby » fait le spectacle sur le terrain. Un gros contre sous le cercle enchaîné par un « coast-to-coast » pour démarrer la partie, une contre-attaque terminée après s’être passé le ballon dans le dos, plusieurs « catch-and-shoot » loin derrière la ligne à 3-points… Et puis il y a ce contre en fin de rencontre. « Wenbyyyy », scande alors le public, tandis que le « speaker » appelle à relancer avec ses « Qui ça ? ».
Après la rencontre, on demande à Elric Delord, le coach du Mans, si le fait d’affronter un tel phénomène avait pu avoir un effet sur sa troupe. « Ce que je peux dire, c’est qu’il n’y a pas que Victor. On ne fait que de parler de lui, mais il y a juste le meilleur entraîneur français qui dirige cette équipe. Il y a de vrais joueurs autour, comme Tremont Waters, TaShawn Thomas, Lahaou Konaté… Il ne fait pas du un contre cinq », commence par répondre le technicien. Avant d’ajouter, sur la question initiale : « Honnêtement, je sais pas. Je pense que ça a plus d’effet de savoir qu’on est sur NBATV, pour les Américains. »
Cette médiatisation prend des proportions jamais connues pour le club des Hauts-de-Seine. Son service communication reçoit quasi quotidiennement quantité – une « avalanche » même – de demandes d’interviews, de médias français ou étrangers, sur le même sujet. « Ça devenait ingérable. » Alors le club ne donne plus suite, parce que les réponses sur cet engouement sont toujours les mêmes.
Même les clubs adverses vendent son maillot
Le phénomène s’exporte bien au-delà des portes de Boulogne-Levallois. Partout où ils passent, les Mets 92 font salle comble. Le déplacement à Blois, le 4 février dernier ? Les 2 500 places sont parties « en quelques minutes ». Le public local avait coché depuis un moment la venue de Victor Wembanyama. Même phénomène au Portel quelques semaines plus tard où le club, qui a dû répondre à des demandes d’accréditation pour l’entourage du joueur (agent de sécurité, photographe perso, agent…), a profité de l’occasion pour augmenter le prix de chaque place de 10 à 15 euros. Un siège en tribune basse passait ainsi de 30 à 45 euros.
Particularité de l’un et l’autre match : le maillot de Victor Wembanyama, un joueur adverse donc, était disponible à la vente. Le club de Boulogne le propose en effet à certains de ses homologues. « Le but est vraiment de faire profiter toute la France, même si c’est parfois mal reçu. Le but n’est pas de faire de l’argent mais d’amener les maillots aux fans qui sont demandeurs », nous indique-t-on. Les clubs revendeurs touchent une partie de la transaction. Au Portel, une centaine de maillots, à 85 € pièce, ont ainsi été vendus. Le premier acheteur aurait d’ailleurs acheté… une quinzaine d’entre eux. On imagine que celui-ci a une petite idée de revente derrière la tête…
Le phénomène va se poursuivre jusqu’à la fin de la saison et la draft du jeune prodige. D’ici là, Vincent Collet trouve « très agréable » de jouer devant autant de monde cette saison. « C’est encore plus saisissant à l’extérieur où les salles sont plus que blindées. C’est toujours très agréable quand on fait ce métier, on veut tous ces ambiances plutôt que de jouer dans des salles à moitié vides. Ici (ndlr : à Levallois), c’est vrai que ça n’a pas toujours été le cas, on apprécie d’autant plus. On sait qu’on le doit à Victor, on n’est pas dupes. »
Le coach de ce dernier en équipe de France ajoute : « On espère que les spectateurs se régalent aussi de ce que ce peux leur offrir l’équipe dans son intégralité. C’est une opportunité pour tout le monde. »
Photos prises et témoignages recueillis à Levallois-Perret