Édouard Salmon n’est pas le genre de photographe à se poser au bord d’un parquet et à attendre que le jeu vienne à lui. Non, ce grand amateur de basket préfère capter des instants de jeu en prenant de la hauteur. Beaucoup de hauteur. Son truc à lui, c’est le drone, l’outil central dans sa pratique de la photo qui lui permet de « donner de la hauteur à [s]a créativité ».
Avec son appareil favori, grâce auquel il s’est plongé dans le monde de la photo, notre homme, joint par téléphone, s’est baladé pendant un an un peu partout en France pour capturer des scènes de sport. Notamment sur, ou plutôt au-dessus, des « playgrounds » du pays. Avec à la clé, une « alliance inédite » de la photographie aérienne et de la pratique sportive déclinée dans plus de 200 photos.
« J’ai très vite perçu le potentiel graphique et unique du sport vu d’en haut. Les lignes des terrains, les courbes, les couleurs, tout se révèle depuis les airs pour nous offrir des paysages hors du commun. Les sportifs insufflent la vie à ces images, leur donnent leur force. Leurs mouvements, sublimés par les ombres qui se dessinent grâce à la lumière ambiante, transforment ces photos en tableaux vivants, en œuvres graphiques », écrit ce photographe âgé de 34 ans, dont l’ouvrage sort le 26 octobre.
Ce « livre d’art sur le sport, plus qu’un livre de sport », vient consacrer le travail de ce preneur d’images autodidacte. Lui qui a longtemps travaillé dans l’export – il vient de quitter son ancien travail – a été séduit il y a six ans par les angles de vue que pouvait générer un tel appareil volant. Une pratique qui induit son lot de règles à respecter. Il lui faut d’abord suivre une formation de télé-pilote avec un examen théorique, dont le tronc est commun avec le pilotage ULM, auprès de la Direction générale de l’aviation civile.
Déclarer le vol avant de décoller
L’équivalent d’un permis de conduire dans les airs en poche, puis sa société créée, il peut se lancer. Parmi ses premiers clichés, une séance avec les joueurs de l’équipe pro B de Poitiers (Vienne), où il est basé, le PB86. Voir ces professionnels et leur ombre captées dans ces moments suspendus, ce sont des « images qu’on ne voit jamais ».
(re)lire : Une photo, une histoire | Dans les nuages au-dessus de « Air Jordan »
Édouard Salmon s’en va explorer d’autres pratiques sportives (surf, golf, équitation…) et l’idée d’en faire un livre émerge naturellement. Quel éditeur solliciter ? La réponse lui vient en lisant… l’article de Basket USA consacré à Rémi Reverchon qui sort alors son « Guide du routard » du fan NBA avec les éditions Amphora. Le contact avec « les leaders en France dans le secteur du livre de sport » est favorable : son projet littéraire ira au bout.
Son fil rouge ? Une pratique sportive en extérieur et une variété de décors et de sports, plus d’une vingtaine en tout (baseball, football américain, athlétisme…). Il passe ainsi beaucoup de temps sur Google Earth à repérer des lieux originaux, colorés. À Rennes (Ille-et-Vilaine) par exemple, il prend contact avec un créateur de contenus basket. Ce dernier lui présente ce terrain atypique, aux couleurs quasi terre battue, sauf la raquette rose fuchsia, voisin d’une piste d’athlétisme.
Pour photographier ce jour-là, il lui faut les autorisations de la préfecture et de l’aéroport de Rennes pour « déclarer [s]on vol ». Selon la géographie du pays, les vols sont permis de 30 à 120 mètres de haut. Tout dépend du niveau de détail recherché. Le sujet de la photo, lui, n’a pas trop à réfléchir. Le preneur d’images, qui déplore que certains utilisent des drones sans être diplômés lors de mariage, lui demande d’accomplir son geste, en le réussissant ou non, en tentant d’oublier l’appareil volant quelques mètres au-dessus de sa tête. « Tout le monde est super content et étonné de se voir vu du dessus. »
Adoubé par Yann Arthus-Bertrand
À l’origine du projet, l’un des questionnements, avec l’éditeur, a été l’intégration de sportifs connus. « On a écarté cette option car ce n’est pas le sportif le héros du livre, c’est le sport. Que l’on soit amateur ou pro, tout mouvement peut avoir cette esthétique. L’idée était de montrer que le sport est universel. Tout le monde peut le pratiquer, il n’est pas réservé aux grands champions et aux grands exploits », développe le photographe qui apparaît lui-même sur des clichés avec son beau-frère.
Son ouvrage, décliné en exposition à la salle de sport Paris Madeleine, est très épuré : quasiment pas de textes, en dehors de légendes photo et de citations sur le sport. À l’exception notable d’un avant-propos signé Yann Arthus-Bertrand avec qui Édouard Salmon a pu échanger en fin de projet. Le titre de son livre est d’ailleurs un hommage à ‘La Terre vue du ciel’, le succès mondial du militant écologiste vendu à plus de 4 millions d’exemplaires.
Édouard Salmon ne se doutait pas que ce dernier portait un tel intérêt au sport dans son propre travail. « Il a toujours photographié le sport dès qu’il le pouvait. Il a couvert de nombreux Paris-Dakar par exemple ou Roland-Garros. Le sport a toujours été une passion, il a toujours été attiré par la vision graphique du sport, plus que le sport en lui-même. Cela rejoignait vachement mon propos », apprécie son benjamin, qui termine : « Quand une légende de la photo aérienne donne ce genre de reconnaissance, ça fait plaisir. »
Le sport vu du ciel, chez Amphora, 230 pages, sortie le 26 octobre, disponible dans toutes librairies, 49,95 €. Exposition de 20 tableaux dans la salle de sport Paris Madeleine à partir du 19 octobre.