Dans quelques années, on se souviendra peut-être de ce 17 février 2024, non pas pour les 61 ans de Michael Jordan, mais comme le jour qui a changé la manière dont on regarde la WNBA et plus généralement, le basket féminin, et même tout simplement le sport féminin. C’était le but, et le beau duel entre Stephen Curry et Sabrina Ionescu a tenu toutes ses promesses.
« On espère que cette scène du All-Star Game et le fait que ce soit une première dans le monde du basket, en parallèle à tout l’avenir que Sabrina a devant elle comme ambassadeur de notre sport, pas seulement du basket féminin, vont consolider cette volonté de fusionner en quelque sorte nos deux mondes, » décrivait Stephen Curry samedi matin.
Un respect mutuel entre les joueurs et les joueuses
L’ambition est élevée mais le jeu en vaut la chandelle. Depuis plusieurs années de nombreuses stars NBA soutiennent la WNBA et ses joueuses en allant par exemple assister à des matchs et en les mettant en avant à travers leurs plateformes médiatiques. Le regretté Kobe Bryant, mentor de Sabrina Ionescu, a été le premier à soutenir la WNBA.
Comme le disait Sabrina Ionescu, « les joueurs ont un état d’esprit différent du fan lambda parce qu’ils savent ce qui est nécessaire pour arriver au firmament de notre sport. Pendant l’intersaison, on s’entraine avec eux, on joue avec eux, on se donne des conseils. Il y a un respect mutuel car, que vous soyez un homme ou une femme, l’exigence est la même. »
« C’est la raison pour laquelle chaque joueur qui s’est exprimé sur cette compétition n’y pense pas en termes de joueuse WNBA contre joueur NBA. Ils se disent tout simplement que le meilleur shooteur gagne, » ajoutait la joueuse du New York Liberty.
On peut effectivement le confirmer. Par exemple, Keegan Murray nous disait vendredi matin tout le bien qu’il pensait de la compétition : « Je trouve que c’est bien pour notre sport pour montrer que les compétences entre les garçons et les filles sont similaires. »
Lauri Markkanen, All-Star la saison dernière et victime de Damian Lillard cette nuit au concours à 3-points, se félicitait « de cette nouveauté qui va forcer les fans à voir le basket d’une façon différente. »
La relation amicale entre Curry et Ionescu ajoute une saveur particulière à ce défi. Stephen Curry a pris Ionescu, originaire de la Bay Area, sous son aile depuis plusieurs années. Ils sont proches et partagent le même talent mais également le même esprit de compétition.
Ionescu a d’ailleurs dévoilé une interaction assez cocasse entre les deux joueurs alors qu’elle terminait son entrainement vendredi soir. « Steph arrivait pour son créneau et il m’a hué pendant que je finissais le mien. Il essaie de rentrer dans ma tête, » disait-elle avec le sourire. « Nous sommes de très bon amis, c’est un mentor pour moi, mais une fois qu’on sera sur le terrain, la victoire sera la seule chose qui compte. »
Aucune peur d’être ridicule
Stephen Curry a confirmé qu’il l’avait sifflée pour mettre la pression sur celle qui détient le record du concours à 3-points avec 37 points. Cette soif de victoire est un élément essentiel de cet événement.
« Bien sûr que je suis nerveuse, » avouait volontiers Sabrina Ionescu avant leur duel. « Mais au fond de moi, je sais toujours pourquoi j’en suis là. Ça aurait été facile pour moi de ne pas accepter ce défi par peur du moment, ou par crainte d’être ridicule. Mais ce n’est pas le cas car j’ai confiance en moi, je sais ce dont je suis capable, et je vais montrer à toutes les petites filles qui vont regarder qu’elles peuvent faire la même chose. Elles peuvent battre un garçon sur un playground, elles peuvent jouer avec des garçons. Ce fait là efface toutes les craintes que je peux avoir par rapport à cette compétition. »
Comme le prochain All-Star Game aura lieu à San Francisco, où les deux stars ont de fortes attaches, nous avons demandé à Sabrina Ionescu comment elle voyait cette compétition évoluer l’année prochaine mais également sur la durée avec potentiellement d’autres concours du même genre.
D’autres duels homme/femme dans les années à venir ?
« Déjà, si je gagne, je sais que Steph voudra une revanche. Et si je perds, je demanderais la même chose. Donc je ne sais pas comment ça va évoluer mais je pense que ça peut prendre une dimension qui nous dépassera, » expliquait-elle. « Et puis, on commence avec le concours de tirs à 3-points, mais on pourrait également penser à un skills challenge. J’ai vraiment hâte de voir ce que l’avenir réservera à ce genre de compétition. »
Une chose est sûre, plusieurs joueurs NBA sont partants pour prendre le relais. Devin Booker nous a immédiatement donné le nom de Jewell Lloyd, l’arrière du Seattle Storm, comme joueuse qu’il aimerait affronter dans un concours de tirs.
Keegan Murray pensait également qu’un skills challenge pourrait être sur la liste de futures compétitions entre les joueurs et joueurs. « Vu que c’est du shoot, de la passe et du dribble, un format similaire pourrait fonctionner, mais débuter avec le concours de tirs est un pas dans la bonne direction. »
Ouvrir de nouvelles portes dans d’autres sports
Et Sabrina Ionescu pensait déjà à d’autres joueuses WNBA qui pourraient participer à ce genre de compétition. « On a de grandes shooteuses dans notre ligue, et avec l’arrivée de Caitlin Clark par exemple, il y a en d’autres qui vont suivre donc j’ai hâte de voir comment ça peut évoluer. Il y a 10 ans, jamais je n’aurais pensé que ce soit possible, mais maintenant qui sait ce qu’on fera dans les années à venir. »
L’engouement autour de cet événement était sur toutes les lèvres depuis notre arrivée en ville mercredi soir. Il y a un appétit pour ce genre de compétition et intelligemment, la NBA et la WNBA connues pour leur volonté d’innover ont sauté sur l’occasion.
Avec Stephen Curry, le meilleur shooteur de l’histoire de la NBA, et Sabrina Ionescu, qui continue de construire sa propre légende, tous les ingrédients sont réunis pour faire de cette compétition une réussite à court, moyen, et long terme.
« J’ai surtout conscience de l’impact que ça peut avoir sur la nouvelle génération d’athlètes qui vont grandir en regardant cette compétition, » terminait Ionescu. « Voir un joueur et une joueuse face à face sur un pied d’égalité, je pense que ça va ouvrir la porte sur de nombreuses opportunités dans le monde du basket mais aussi dans d’autres sports. »
L’avenir nous dira donc si ce 17 février 2024 a bel et bien marqué le début d’une nouvelle ère.
Propos recueillis à Indianapolis.