L’un des moments forts du All-Star Weekend est arrivé le samedi, lors du « Media Day » et de l’entrainement des All-Stars. Pour de nombreux All-Stars et participants au concours du samedi soir, c’était la première fois qu’ils revenaient à l’Oracle Arena depuis le déménagement des Warriors à San Francisco, dans le Chase Center.
Pour nous aussi, présents dans la Baie de San Francisco depuis treize ans, ce pèlerinage est arrivé avec une certaine nostalgie. Nous n’avions pas remis les pieds dans la salle, désormais nommée Oakland Arena, depuis le 13 juin 2019. Ce soir-là, les Raptors avaient battu les Warriors lors du Game 6 des NBA Finals pour s’adjuger le titre.
Pascal Siakam, l’auteur du dernier panier dans la salle
« Quelqu’un me l’a rappelé quand nous sommes arrivés » nous disait Pascal Siakam. « La dernière fois que j’étais ici, c’était ce jour-là. J’adore cette salle, j’y ai des supers souvenirs. »
En plus d’avoir gagné son seul titre NBA ici, le Camerounais est le joueur qui a marqué le dernier panier à l’Oracle. Il s’est d’ailleurs replongé dans cette soirée historique pour lui et les Raptors afin de nous décrire cette dernière action. « C’était le money time, j’ai reçu la balle. Je ne me souviens plus si c’est Kyle (Lowry) qui m’a fait la passe ou quelqu’un d’autre… Non, non c’était Kyle ! Et j’ai simplement attaqué le cercle. Draymond (Green) était un peu en retard et j’ai pu sortir mon ‘eurostep’ et enchainer avec un floater. C’était un super move et un super tir ! » nous lance-t-il avec un grand sourire.
Un peu moins de six ans plus tard, l’Oracle Arena est, telle une capsule temporelle, restée à l’identique. Elle reste une dame d’un certain âge, mais toujours aussi charmante, chaleureuse et unique en son genre. Son plafond strié, si particulier et que les Warriors ont honoré en utilisant un design similaire dans leur vestiaire au Chase Center, nous rappelle les nombreux matchs assourdissants auxquels nous avons eu la chance d’assister pendant des années.
« Quand nous sommes sortis du tunnel pour notre retour en playoffs lors du Game 3 contre Denver (en 2013), vous ne pouviez rien entendre tellement il y avait du bruit. Ils ont même dû arrêter la musique parce qu’on ne l’entendait même pas, » se souvient Draymond Green. « C’est mon moment préféré à l’Oracle. »
Assis en tribune de presse, en haut de la section 123, lors de ce match, nous en gardons un souvenir indélébile. Il nous était impossible d’entendre les coups de sifflet des arbitres tellement l’ambiance était folle ! C’est grâce à ce genre de soirées que la légende de « Roaracle » est née. Un surnom parfait pour décrire le rugissement des fans de Golden State, vêtus de leur t-shirt jaune, criant « WARRRRRRRIORS » pour encourager leur équipe et envoyer un message à l’adversaire.
L’Oracle est un édifice d’un autre temps, aux dimensions plus intimistes que les salles plus modernes qu’on trouve désormais partout en NBA. Les fans y sont beaucoup plus proches du terrain et sa petite taille, comparée à l’imposant Chase Center, y donnait une acoustique parfaite pour rendre l’ambiance incroyable.
De 2013 jusqu’à 2019, l’Oracle Arena est ainsi devenue l’épicentre de la ligue, une forteresse quasi imprenable. Les Warriors y ont accueilli cinq NBA Finals de suite (2015-2019). Ils en ont gagné trois et perdu deux.
Kyrie Irving, qui s’amusait avec les fans lors de l’entrainement des All-Stars, y a marqué le tir le plus emblématique et important de sa carrière, pour donner la victoire aux Cavs dans un Game 7 d’anthologie en 2016.
Damian Lillard, un habitué des lieux
James Harden, qui a tenté de mettre ces Warriors à terre à de nombreuses reprises avec les Rockets, n’était lui pas ravi d’être de retour sur le terrain de ses nombreux cauchemars. Dans le vestiaire des All-Stars avant l’entrainement, il a d’ailleurs dit à Stephen Curry : « Je n’aime pas être de retour ici, vous m’y avez fait de sales trucs ! »
Kevin Durant a lui aussi buté sur Golden State avec le Thunder lors du Game 7 de la finale de conférence en 2016, avant de rejoindre les Warriors la saison suivante. C’est dans cette salle qu’il a remporté son premier titre de champion NBA et son premier trophée de MVP des Finals.
« Je ne savais pas qu’on allait venir ici, je pensais que tout serait au Chase. Ça m’a rappelé beaucoup de supers souvenirs. L’énergie est la même, même pour un simple entrainement du All-Star Game. Ça me rend nostalgique » lâche-t-il, avant de partager son meilleur souvenir. « Game 5, 2017. Gagner le titre ici, célébrer sur le parquet et dans le vestiaire. Des quatre titres des Warriors pendant cette période, c’est le seul qu’on a gagné à domicile. C’était génial comme moment. »
Damian Lillard, originaire d’Oakland, se remémorait lui la façon dont il avait l’habitude de déambuler dans les travées de l’Oracle quand il était petit, comme s’il était chez lui.
« Quand je suis entré ce matin, je suis passé devant là où les vestiaires étaient quand j’étais gamin. Ça m’a fait sourire parce que quand j’étais petit, les Warriors étaient tellement mauvais qu’avec mon frère, on avait l’habitude d’aller dans les coulisses et de manger la bouffe qu’il y avait dans la salle de presse » rigole-t-il. « Maintenant que je suis en NBA, je sais que c’était la salle de presse. Il y avait toujours des hot dogs, des sodas, etc. On se faisait un petit goûter et après on attendait dans le tunnel à la sortie du vestiaire ou sur le parking pour demander des autographes. Ce sont des souvenirs que je n’oublierais jamais, et passer au même endroit aujourd’hui était dingue. »
La nostalgie était présente chez tous ceux présents ce samedi-là à Oakland… ou presque. Moses Moody n’a lui connu le Chase Center, mais il a entendu les histoires de ses coéquipiers et la légende de l’Oracle.
« Draymond, Steph, Loon (Kevon Looney), ils parlent tous de l’Oracle, de l’atmosphère, du bruit, de la passion des fans, » nous explique-t-il. « Ils en parlent tellement que j’ai toujours eu envie de venir et voir de mes propres yeux. J’aurais aimé pouvoir vivre cette expérience. »
Ce samedi-là, la NBA a donc réussi à transporter tout ce beau monde dans ce passé glorieux. Les souvenirs et les détails étaient partout. Du trou dans le mur fait par un Dirk Nowitzki enragé après l’élimination de Dallas en 2007 contre les « We Believe » Warriors aux hot dogs légendaires de la salle de presse, tout était similaire.
À l’extérieur de la salle, tout ne pouvait cependant pas être plus différent. Les Warriors ne sont plus là. Les Raiders, équipe de foot US d’Oakland, et les Athletics, équipe de baseball, qui jouaient à côté, au Oakland Coliseum, ont soit déjà déménagé à Las Vegas, soit prévu de le faire.
La zone autour de l’Oracle Arena et du Coliseum n’était jamais la plus attrayante (le pont entouré de grillage jusqu’à la station de métro…), mais elle était dynamique. Aujourd’hui, elle est sans vie.
« Ayant grandi juste à côté, ça me fait de la peine de voir à quel point tout à l’air désert alors que quand j’étais gamin avec les Raiders, les A’s, les Warriors, les concerts, le And1 Mixtape Tour, les Harlem Globetrotters, il y avait toujours tellement d’énergie » se rappelle Damian Lillard, qui a grandi à Oakland, sur la 95e rue.
Un match de saison régulière comme dernier cadeau ?
Pour les dirigeants de Golden State, qui essaient toujours de positionner leur franchise comme l’équipe de toute la Baie plutôt que celle de San Francisco, il était inconcevable de ne pas associer Oakland aux festivités du All-Star Game. En 2000, Vince Carter est évidemment entré dans la légende en gagnant le concours de dunks du All-Star Weekend à l’Oracle Arena. La connexion était immanquable, tout comme les 47 saisons que les Warriors ont passées à Oakland.
Stephen Curry, qui a posé son empreinte sur toute l’organisation de ce All-Star Weekend, jusqu’au nouveau format, a poussé pour inclure Oakland dans « sa fête ». Malgré le déménagement au Chase Center, la star des Warriors est restée impliquée à Oakland, en particulier pour la jeunesse, via sa fondation « Eat. Learn. Play. »
Revenir à l’Oracle était donc une évidence et un moment particulier pour celui qui a gagné le titre de MVP du All-Star Game pour couronner le week-end.
« Quand je suis arrivé, j’ai vraiment été ému. Les dix saisons que j’ai connues ici restent fondamentales pour ma carrière et l’homme que je suis devenu. J’ai grandi dans cette enceinte. Avoir un moment pour honorer et se remémorer les 47 années où nous avons joué dans cette salle, dans cette ville, c’était important et j’en ai profité un maximum. »
Stephen Curry ne veut cependant pas que ce All-Star Game marque le point final de l’expérience des Warriors avec Oakland et l’Oracle Arena. La ferveur montrée par tous les fans à Oakland lui a donné une idée, un rêve qu’il essaie de transformer en réalité. « Quand je vois l’énergie dans cette salle, l’énergie des fans, j’ai envie de revenir. J’ai envie qu’on trouve le moyen de jouer un match de saison régulière pour leur montrer à tous que nous n’oublions pas notre histoire, » dit-il. « Ce serait génial. »
Propos recueillis à Oakland.