Les médias du monde entier étaient de retour à l’Oracle Arena, désormais appelée Oakland Arena, pour le traditionnel « Media Day » du All-Star Game. Dans ce contexte, tout le monde a hâte d’entendre les joueurs mais chaque année la NBA rend également les entraineurs disponibles pendant quelques minutes. Et comme chaque année, ce sont souvent les médias étrangers qui se retrouvent devant les pupitres de chaque technicien. Cette saison, c’est Kenny Atkinson qui s’est volontiers prêté au jeu des questions réponses devant une poignée de journalistes internationaux, dont Basket USA.
Passionné sur le sujet du basket international et de son influence, l’entraineur des Cavaliers est revenu en long, en large, et en travers sur ses influences européennes, sur sa relation avec Vincent Collet, sur l’évolution des règles NBA, et sur une possible expansion de la NBA en Europe.
Kenny, vous étiez dans le staff de l’équipe de France cet été pour les Jeux Olympiques, qu’avez-vous retenu de cette expérience et de votre collaboration avec Vincent Collet ?
Vincent Collet ! Lors d’une discussion l’autre jour, je pensais justement à tous les grands coachs européens que j’ai eu la chance de côtoyer, et Vincent est l’un d’entre eux. Vous vous souvenez des Jeux, nous avons eu du mal en début de compétition, nous étions presque éliminés et grâce à son expérience et à son confiance dans le groupe, il a réussi à inverser la tendance et on a fini en finale contre la Team USA. Et vous savez, il fait partie de notre staff à Cleveland, dans un rôle de consultant. Il m’envoie un e-mail après chaque match pour me dire : « Coach, vous avez bien fait ça, vous pouvez améliorer cet aspect » et ça nous aide beaucoup. J’ai incorporé beaucoup de ses idées avec les Cavs. Et puis, avant tout c’est un bon ami. C’est ça le plus important. Notre amitié est très forte.
À terme, est-ce qu’il pourrait incorporer votre staff à temps plein ?
Non, pas pour le moment. Et puis, il a perdu son père récemment donc je veux lui donner du temps. Mais il va venir avec nous à New York après le All-Star Game.
« Est-ce que les gens connaissent Dejan Bodiroga !? À 25 ans, pour moi, il avait le niveau d’un All-Star NBA »
Outre Vincent Collet, quels autres coachs européens ont influencé votre philosophie ?
Ilias Zouros. J’ai énormément de respect pour Ilias. C’est un mentor, un ami. Il a un esprit basket extrêmement pointu et personne est plus passionné que lui. Il a une éthique de travail incroyable. C’est l’un de mes meilleurs amis dans le monde du basket. Un autre entraineur qui m’a beaucoup enseigné les nuances du basket FIBA et c’est l’un des meilleurs entraineurs en Europe et dans le monde, c’est Gordon Herbert. Gordy aussi est un de mes mentors. J’ai beaucoup appris à ses côtés. Évidemment il a eu beaucoup de succès avec l’Allemagne, et ça ne me surprend pas. Et comme Vincent et Ilias, je le considère comme un bon ami.
Quels sont les joueurs internationaux qui vous ont marqué et qui ont joué un rôle important dans votre carrière ?
Oh mon Dieu… Les premiers qui me viennent à l’esprit ce sont les Espagnols. Les frères Gasol, évidemment. Et puis Nikos Galis. J’ai regardé des heures et des heures de ses highlights sur YouTube, ça vous montre à quel point je suis influencé par le basket européen. Bodiroga ! Est-ce que les gens connaissent Dejan Bodiroga !? À 25 ans, pour moi, il avait le niveau d’un All-Star NBA, ce n’est que mon opinion. Et je pourrais continuer à vous sortir pleins de noms. Et vous le voyez aujourd’hui, nous avons tellement de grands joueurs internationaux mais il y a tellement de bons joueurs, Pappas, par exemple, que les Américains ne connaissent pas.
Comment est-ce que cette influence internationale vous a aidé avec les Cavaliers cette saison ?
C’est dans mon ADN. C’est le coach, le basketteur que je suis. Et c’est la raison pour laquelle je suis en NBA. C’est ce qui a fait la différence entre moi et un coach américain typique. Mon parcours est différent et toutes mes expériences en Europe m’ont tellement aidé. Les coachs sont supers, les joueurs ont une base technique sublime. Je suis vraiment fier de mon parcours. J’ai beaucoup plus appris en Europe qu’aux Etats-Unis.
Est-ce que ça vous arrive d’être surpris par la qualité de jeu que vous développez ?
Oui, oui bien sur ! L’autre jour, on a joué contre Toronto et on a une des séquences qui m’ont rappelé le jeu de passes du Barça, l’équipe de foot. La façon dont on partage la balle, la façon dont tout le monde est connecté. Et vous savez, dans tous sports, quand une équipe est sur la même longueur d’onde, quand ils s’apprécient, et qu’en plus ils sont talentueux, vous pouvez réaliser quelque chose de spécial.
Les mêmes règles, partout !
Est-ce qu’il y a des règles FIBA que vous souhaiteriez voir en NBA ?
Oui ! Pouvoir nettoyer le cercle. Vous êtes sérieux ? C’est LA règle qui pour moi devrait être adopté par la NBA. Et il me semble qu’Adam Silver en a parlé mais je ne sais pas pourquoi ça n’a pas été acté. J’aimerais également voir la règle des trois secondes dans la raquette en défense disparaitre, comme dans le basket FIBA. Je suis d’accord avec Adam Silver quand il dit que les règles doivent être les mêmes partout, en FIBA, en NBA. Ça rendrait le produit meilleur pour les fans car ils n’auraient pas besoin de s’ajuster. Si tout le monde avait les mêmes règles, nous aurions une base pour sport international, global beaucoup plus solide.
Êtes-vous également pour la réduction de la durée des quart-temps à dix minutes comme dans le basket international ?
Oui ! Et j’adore qu’Adam (Silver) rend son opinion sur le sujet public. Je pense que c’est une bonne idée et ça va dans la continuité de ce que je disais sur l’alignement des règles. Sur le long terme, ça rendrait le discours et la qualité du jeu bien meilleurs partout dans le monde car nous serions tous unis derrières des règles communes. Prenez les Jeux Olympiques par exemple. La finale France – États-Unis, vous ne pouvez pas savoir le nombre de messages que j’ai reçu me disant que c’était le meilleur basket que les gens n’aient jamais vu. Mais ce n’est pas que la finale. Les Brésiliens jouaient un super jeu. Notre match contre le Japon. On a failli perdre car c’est un match de 40 minutes et toutes les possessions sont cruciales. J’ai d’ailleurs envoyé un message à Adam (Silver) pour lui dire à quel point j’étais heureux de savoir qu’il était ouvert à un tel changement.
Le basket FIBA rend meilleur les joueurs NBA
Sur le même sujet, pensez-vous que tous les joueurs, y compris ceux de NBA, devraient être disponibles pour participer aux fenêtres internationales ou pensez-vous que ce serait une distraction ?
Personnellement, j’adorerais que ce soit obligatoire car ça permet aux joueurs de vivre des expériences nouvelles, d’avoir un rôle différent de ce qu’ils ont en club pendant la saison. Je pense que les joueurs progressent à travers le jeu FIBA. Vous le voyez avec les joueurs américains qui ont eu cette opportunité. Vous le voyez avec les joueurs français, avec tous les grands joueurs internationaux, les Gasols, Batum, etc. leur expérience du basket FIBA les a rendu meilleurs. Donc oui, j’aimerais rendre les fenêtres internationales obligatoires comme ils le font dans le football. Si vous êtes sélectionnés, vous devez aller en équipe nationale, et si vous n’y allez pas, c’est mal vu. Je mets le développement des joueurs au premier plan, et comment peuvent-ils progresser ? En ayant plus d’expérience internationale, plus d’expérience avec le jeu FIBA. Je pense que ça rend les joueurs plus complets.
À Paris, Adam Silver parlait de la possibilité d’une NBA Europe. Est-ce que vous aimeriez voir la NBA ouvrir sa ligue à des franchises internationales ?
Écoutez-moi, je pèse mes mots quand je vous dis que je prie pour vivre ce jour où nous aurons des équipes à Athènes, à Madrid, à Paris. D’ailleurs je l’ai dit à ma femme. Je vais continuer dans ce métier aussi longtemps que possible pour pouvoir travailler pour l’une de ces franchises. Peut-être pas en tant qu’entraineur, mais si je peux aider d’une façon ou d’une autre, je signe tout de suite ! La NBA est tellement forte en termes de produit, de marketing, et j’espère que je ne vais pas avoir de problèmes en disant ça mais j’adorerais avoir une présence identique en Europe. Et je sais qu’il y a des pourparlers préliminaires dans ce sens… et peut-être qu’il faudra le retour du Concorde pour permettre aux équipes de voyager plus rapidement. Si je peux faire de ça mon héritage, aider à avoir deux franchises NBA en Europe, ce serait un rêve ! Imaginez, si un jour vous pouvez aller jouer contre une équipe NBA à Madrid ou à Paris. Je sais à quel point les fans européens sont passionnés et je pense que ça permettrait à la NBA de passer un nouveau cap. Et puis, pourquoi pas Pékin… cela dit, les déplacements pourraient être compliqués. Il faut y aller étape par étape, commençons par l’Europe.
Propos recueillis à Oakland.