À le regarder déambuler dans le vestiaire des Clippers en sortie de victoire à Miami, Nicolas Batum nous donne l’impression d’un vieux sage, épanoui dans le groupe et bien dans ses baskets. Des images qui font toujours plaisir à voir pour le Français qui, à 36 ans passés et après 17 ans en NBA, continue de proposer de bonnes choses au sein de l’effectif californien, où il dispose encore d’un vrai rôle dans la rotation de Tyronn Lue.
À un mois de la fin de saison, et quasiment cinq mois après nous avoir déjà accordé une première interview à San Francisco, « Batman » se livre sans langue de bois sur divers sujets. De la situation à Los Angeles à son avenir dans la ligue, sans oublier de parler de ses compatriotes ou de l’Équipe de France, il dresse un état des lieux complet de tout ce qui touche, de près ou de loin, à sa 17e saison aux États-Unis.
« Mon rôle est simple et me convient parfaitement »
Nicolas, les Clippers sont au-dessus de l’équilibre (36-30), le Top 6 n’est pas loin, mais l’équipe fait le yo-yo cette saison. De quoi avez-vous encore besoin pour lancer une vraie grosse série sur le dernier mois ?
Une équipe au complet, déjà… Ce serait plutôt cool. Quand Kawhi [Leonard] est revenu, Norman [Powell] a eu des problèmes au genou quelques semaines après, donc on n’a pas forcément eu le groupe au complet très longtemps. Mais on se maintient bien, on tient l’équilibre et on décroche de grosses victoires, même s’il y a aussi eu des défaites rageantes et décevantes. Mais on a réussi à tenir le coup, en espérant que Ben [Simmons] et Norman reviennent vite, ce qui devrait être le cas je pense, histoire de pouvoir construire le groupe et partir sur une série de victoires.
Beaucoup de personnes doutaient des Clippers en début de saison. Les spécialistes vous annonçaient même à 36 victoires, mais vous venez déjà de les atteindre, alors qu’il vous reste encore 16 matchs à jouer. Compreniez-vous les doutes qui vous entouraient ?
Oui et non parce que, de l’extérieur, quand tu perds Paul George… Vu l’impact qu’il avait chez nous, si tu veux le remplacer, c’est par un autre joueur Top 5 à son poste. Il y a deux ans, il était encore Top 15/20 en NBA, donc on n’a pas remplacé joueur par joueur, mais l’équipe a été bien construite malgré tout. Il y a beaucoup d’individualités qui ont été rajoutées : moi, [Kris Dunn], Derrick [Jones Jr]… [Il y a aussi] les montées en puissance de [Ivica] Zubac, [Norman] Powell, [Amir] Coffey… Puis il y a un « training camp » complet avec James Harden, car il n’avait pas pu le faire la saison dernière. Donc ce sont plein de petites choses qui ont été ajoutées pour créer un bon groupe et faire la saison qu’on fait.
Les playoffs approchent tout doucement. On se projette un petit peu, mais qu’est-ce qui vous donne confiance collectivement ?
Je pense qu’on peut « matcher » avec beaucoup d’équipes, surtout avec les « trades » qu’on a fait. On est un peu plus forts sur le banc, même s’il y a ce problème d’être au complet… [Bogdan] Bogdanovic a montré ce qu’il pouvait nous apporter [mercredi] soir, [Ben] Simmons va nous apporter de bonnes choses aussi, avec son QI basket et son « playmaking »… Je suis passé par là et les attentes sont différentes, mais ça reste un très bon joueur de basket et il va être beaucoup plus libre, dans une équipe où il n’aura pas forcément besoin de faire ce qu’on attendait de lui il y a quelques temps. Il pourra jouer son jeu, il le fait très bien et c’est tout ce qu’on lui demande. Donc on a 10-12 joueurs capables de jouer, avec beaucoup de profils différents, et c’est très bien. L’Ouest est dingue, mais on ne sait jamais ce qui peut se passer…
Vous évoquez Ben Simmons, qui va encore plus vous faciliter la vie en attaque avec James Harden et Kawhi Leonard…
C’est bien oui, mais mon rôle est simple. Je sais que je vais jouer quoi qu’il arrive et, quand tu joues avec des mecs intelligents, qui savent jouer au basket, c’est très simple. Mon jeu, ce n’est pas un truc de dingue : il faut rester dans les espaces, être prêt à tirer, réussir les « extra pass », être un connecteur comme on dit… C’est un rôle qui me convient parfaitement, à 36 ans et après 17 ans en NBA. Ça me permet de jouer des matchs à 30-35 minutes jusqu’en mars, dans une équipe « playoffable », donc c’est assez cool.
« Je n’ai pas encore fait de coup de gueule à la Netflix… »
Justement, ça fait cinq matchs que vous êtes redevenu titulaire (9.0 points, 3.0 rebonds, 1.4 contre et 1.0 interception à 52% à 3-points) et vous restez efficace quand le coach fait appel à vous. Alors que vous n’aviez pourtant pas aussi peu joué (18.0 minutes) depuis votre année rookie (18.4 minutes)…
C’était prévu, de toute façon. Ce n’est pas une surprise et je savais très bien que je tournerais à 15-18 minutes par match. Surtout qu’on a une équipe très dense. On en avait parlé avec [Tyronn Lue] : quand l’écart est déjà fait dans le quatrième quart-temps, on fait jouer d’autres mecs et on a moins besoin de moi. Il y a une gestion autour de moi, mais je n’ai loupé que deux matchs, dont un quand [le coach] m’a demandé de me reposer et de ne pas me changer… Sinon, j’ai tout joué, donc je suis disponible, la fin de saison approche et j’ai de plus en plus de temps de jeu. Mais c’était prévu et il n’y a aucune surprise. Je m’y attendais, je le voulais et ça fonctionne très bien.
Qu’est-ce qui diffère le plus entre votre premier passage chez les Clippers (2020-23) et celui-ci ?
Je n’ai pas les mêmes attentes. C’était un peu ma dernière chance à l’époque, j’avais une certaine forme de pression, de revanche. Il fallait que je recommence tout. Là, je reviens à la maison : c’est chez moi, je connais tout le monde, je m’entends bien avec le coach, je connais les joueurs et on n’a pas les mêmes attentes vis-à-vis de moi. La première année, j’étais titulaire avec 28-30 minutes de temps de jeu. Là, ça dépend : je suis soit titulaire, soit sur le banc comme 6e ou 10e homme. Mon rôle est totalement différent.
Si vous deviez noter votre saison sur 10, combien vous donneriez-vous ?
Sur 10 ? Allez, on va dire 8. Je suis dans mon rôle, tout était prévu. Je ne pense pas qu’on s’attendait à ce que je tourne à ce que je faisais avant [15 points de moyenne dans ses meilleures années, ndlr]. Donc 8/10 : je suis bien dans mon basket et tout va bien.
Parlez-nous de votre rôle dans le vestiaire et sur le parquet, en tant que joueur le plus expérimenté de l’effectif (17 saisons, devant les 16 de James Harden et Patty Mills).
[Il sourit] Je n’ai pas fait de coup de gueule « à la Netflix », si tu veux tout savoir… Pas encore, je n’ai pas eu besoin de ça… [Il rigole] Il y a Kawhi [Leonard] et James [Harden], donc il n’y a pas besoin de moi. Je donne juste des petits conseils sur le jeu et sur ce que je vois. Les autres joueurs sont à l’écoute, j’ai gagné cette forme de légitimité et de respect. Ils viennent vers moi et je me permets d’aller vers eux car je sais qu’ils seront réceptifs, donc c’est plutôt cool.
« Honnêtement, l’Ouest, j’adore ! »
Au niveau de votre préparation, qu’est-ce qui change entre le Nicolas Batum de 2008 et le Nicolas Batum de 2025 ?
Oula… [Il sourit] Disons que tu connais les routines, tu connais le jeu, tu connais les attentes, tu connais les ruses… Il n’y a plus de surprise. Tu as le respect des arbitres et des joueurs, tu as l’expérience donc rien ne te surprend. Tu sais tout, tu connais tout. Tu prépares les matchs différemment, la pression n’est plus la même et c’est juste plus simple.
Vous parlez de simplicité, mais on ne pourra pas dire que ce sera encore le cas de la conférence Ouest cette saison. Surtout qu’elle a pas mal évolué depuis octobre, notamment à Los Angeles…
En fait, même en arrivant en 2008, l’Ouest était déjà dingue. Rien ne change et ça a toujours été comme ça : il fallait déjà avoir 50 victoires pour aller en playoffs. Donc l’Ouest a toujours été complètement dingue et c’est ça qui me plaît. Honnêtement, j’adore ! C’est différent et particulier.
On va aller plus à l’Est maintenant, à Philadelphie, où un certain Guerschon Yabusele vous a en quelque sorte succédé. C’était une réussite évidente pour vous, son retour en NBA ?
Il a montré qu’il avait le niveau. L’Euroligue, il avait fait le tour et il avait clairement le jeu fait pour la NBA. Il a gagné tout ce qu’il avait à gagner, dans une très grosse équipe, en étant très bon. En Équipe de France, c’était lui notre meilleur joueur en 2023 et en 2024. Ce qu’il a réussi aux Jeux olympiques, ça lui a permis de montrer qui il était et il était clairement légitime pour retourner en NBA, en sachant très bien qu’il allait être performant. C’est exactement ce qu’il a fait et rien ne me surprend. Je suis même déçu, car on [les Clippers, ndlr] aurait pu l’avoir. J’aurais bien aimé, on était dans la course pour le signer…
Peut-être cet été, qui sait ?
Peut-être oui, mais il aura des choix à faire. Qu’il se fasse déjà plaisir [financièrement].
En tant que « grand frère » de la nouvelle génération tricolore, donnez-nous votre regard sur les saisons de tous les jeunes ?
Ils sont bien. Les rookies, Zaccharie [Risacher] et Alex [Sarr], ils sont bien dans leur évolution. Ils gagnent en expérience, en maturité et en sérénité. C’est une drôle de ligue, surtout quand tu es numéro 1 ou numéro 2 de Draft. Tu es obligé d’apprendre, mais ils s’en tirent très, très bien. L’évolution de Bilal [Coulibaly] est aussi très intéressante. Moussa [Diabaté], c’est mon petit, je l’adore. Je suis tellement content pour lui… Son nouveau contrat, c’est mérité. Je suis heureux pour lui et ce n’est que le début. J’espère qu’il ira en équipe de France…
En début de semaine, il nous a justement confié être intéressé et disponible…
Je pense que ça peut être un bel atout pour le groupe. C’est un profil qu’on n’a pas forcément et qui peut être intéressant. Il a sa chance. Une nouvelle ère commence, il peut faire partie des candidats…
« L’Équipe de France ? C’est terminé »
La transition est toute trouvée : parlons Équipe de France. La qualification pour l’Euro est officiellement en poche…
[Il coupe] J’y vais pas, hein ! C’est fini, moi ! Je t’anticipe déjà ! [Il rigole]
Mais on imagine que vous avez quand même pu regarder quelques matchs…
Oui, j’ai regardé le match contre la Croatie et j’étais carrément avec [Ivica] Zubac, vu que c’était un match qualificatif pour eux aussi. Mais on a un vivier, bien coaché, et je ne m’inquiétais pas forcément sur les qualif’, même si ça reste intéressant de voir ce vivier et les options qu’on a, pour voir comment [Fred] Fauthoux et son staff vont nous assembler un groupe de 12 joueurs pour faire rêver la France et faire le boulot en septembre.
Fred Fauthoux, Boris Diaw… Le staff technique continue-t-il de vous consulter ?
Non, ce n’est pas mon job, c’est terminé. Je parle avec Boris de temps en temps, mais je ne rentre pas là-dedans. Je reste loin de tout ça, c’est leur boulot.
Vraiment, Nicolas… N’y aurait-il pas une petite voix dans votre tête qui vous donnerait envie de repartir pour une dernière danse cet été ?
Non ! Oh, non ! [Il fait signe de la tête en souriant] C’est fini… Non, c’est terminé, c’était une belle sortie, je passe à autre chose. Il est temps de laisser la main et les clés. Moi qui ai joué poste 3 pendant 15 ans, on a deux, trois, quatre mecs qui peuvent jouer. Zaccharie [Risacher], Bilal [Coulibaly], [Isaïa] Cordinier… Je ne m’inquiète pas !
Pour conclure dans le même registre… Vous vous apprêtez à boucler votre 17e saison en NBA. Comment voyez-vous la suite, alors que vous avez une « player option » pour la saison prochaine ?
Je pense à la 18e… [Il sourit] Dix-huit ans en NBA et deux ans en Europe, donc vingt ans en pro… C’est un beau nombre.
Visiez-vous les 20 ans de carrière, initialement ?
[Il sourit] Pas forcément, mais maintenant oui.
Rejouerez-vous en Europe ensuite, ou tout s’arrêtera avec la NBA ?
Non, ce sera fini le basket après [la 18e]. C’est bon ! [Il sourit]
Propos recueillis à Miami
Nicolas Batum | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2008-09 | POR | 79 | 18 | 44.6 | 36.9 | 80.8 | 1.1 | 1.7 | 2.8 | 0.9 | 1.8 | 0.6 | 0.6 | 0.5 | 5.4 |
2009-10 | POR | 37 | 25 | 51.9 | 40.9 | 84.3 | 0.9 | 2.9 | 3.8 | 1.2 | 2.2 | 0.6 | 0.7 | 0.7 | 10.1 |
2010-11 | POR | 80 | 32 | 45.5 | 34.5 | 84.1 | 1.4 | 3.1 | 4.5 | 1.5 | 2.4 | 0.8 | 1.0 | 0.6 | 12.4 |
2011-12 | POR | 59 | 30 | 45.1 | 39.1 | 83.6 | 1.4 | 3.2 | 4.6 | 1.4 | 1.8 | 1.0 | 1.5 | 1.0 | 13.9 |
2012-13 | POR | 73 | 38 | 42.3 | 37.2 | 84.8 | 1.3 | 4.3 | 5.6 | 4.9 | 1.9 | 1.2 | 2.6 | 1.1 | 14.3 |
2013-14 | POR | 82 | 36 | 46.5 | 36.1 | 80.3 | 1.4 | 6.0 | 7.5 | 5.1 | 1.9 | 0.9 | 2.5 | 0.7 | 13.0 |
2014-15 | POR | 71 | 34 | 40.0 | 32.4 | 85.7 | 0.9 | 5.0 | 5.9 | 4.8 | 1.5 | 1.1 | 1.9 | 0.6 | 9.4 |
2015-16 | CHA | 70 | 35 | 42.6 | 34.8 | 84.9 | 0.8 | 5.3 | 6.1 | 5.8 | 1.6 | 0.9 | 2.9 | 0.6 | 14.9 |
2016-17 | CHA | 77 | 34 | 40.3 | 33.3 | 85.6 | 0.6 | 5.6 | 6.2 | 5.9 | 1.4 | 1.1 | 2.5 | 0.4 | 15.1 |
2017-18 | CHA | 64 | 31 | 41.5 | 33.6 | 83.1 | 0.9 | 3.9 | 4.8 | 5.5 | 1.1 | 1.0 | 2.0 | 0.4 | 11.6 |
2018-19 | CHA | 75 | 31 | 45.0 | 38.9 | 86.5 | 0.9 | 4.3 | 5.2 | 3.3 | 1.9 | 0.9 | 1.6 | 0.6 | 9.3 |
2019-20 | CHA | 22 | 23 | 34.6 | 28.6 | 90.0 | 1.1 | 3.4 | 4.5 | 3.0 | 1.9 | 0.8 | 1.0 | 0.4 | 3.6 |
2020-21 | LAC | 67 | 27 | 46.4 | 40.4 | 82.8 | 0.7 | 4.0 | 4.7 | 2.2 | 1.5 | 1.0 | 0.8 | 0.6 | 8.1 |
2021-22 | LAC | 59 | 25 | 46.3 | 40.0 | 65.8 | 0.5 | 3.8 | 4.3 | 1.7 | 1.4 | 1.0 | 0.7 | 0.7 | 8.3 |
2022-23 | LAC | 78 | 22 | 42.0 | 39.1 | 70.8 | 0.8 | 3.0 | 3.8 | 1.6 | 1.9 | 0.7 | 0.6 | 0.6 | 6.1 |
2023-24 * | All Teams | 60 | 26 | 45.3 | 39.5 | 71.4 | 1.2 | 3.0 | 4.1 | 2.1 | 1.8 | 0.8 | 0.7 | 0.6 | 5.3 |
2023-24 * | PHL | 57 | 26 | 45.6 | 39.9 | 71.4 | 1.2 | 3.0 | 4.2 | 2.2 | 1.8 | 0.8 | 0.7 | 0.6 | 5.5 |
2023-24 * | LAC | 3 | 18 | 37.5 | 28.6 | 0.0 | 0.0 | 2.3 | 2.3 | 1.7 | 1.7 | 1.0 | 0.3 | 1.3 | 2.7 |
2024-25 | LAC | 78 | 18 | 43.7 | 43.3 | 81.0 | 0.6 | 2.2 | 2.8 | 1.1 | 1.4 | 0.7 | 0.4 | 0.5 | 4.0 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.