« Dominique Malunga devrait être la MVP du championnat. Si elle ne l’est pas, c’est un scandale. » Le ton, très sérieux, est employé par Yoann Cabioc’h, quelques minutes après une nouvelle prestation de haut vol de sa jeune vedette. Ce dimanche 6 avril, face à Charleville-Mézières, la joueuse de 19 ans a encore dominé les débats avec ses 27 points dans la victoire de l’Asvel.
De quoi gonfler ses lignes de stats sur la saison (15.4 points et 10.3 rebonds) qui font d’elle une belle candidate au trophée individuel suprême, malgré le bilan tout juste équilibré de sa formation (11v-11d). De quoi, aussi, finir de convaincre ceux qui la suivent depuis des mois de l’autre côté de l’Atlantique. Oui, la victoire était le plus important, parce que les « objectifs collectifs priment » toujours pour elle.
Avec la future n°1 de la Draft #WNBA ? Réponse lundi prochain #DominiqueMalonga @ASVEL_Feminin pic.twitter.com/qVQnUgjQPq
— Samuel Hauraix (@shauraix_nba) April 6, 2025
Mais il y a aussi « cet événement-là qui arrive, forcément, c’est toujours un plus », confie-t-elle à BasketUSA. L’événement en question, resté dans un coin de sa tête tout au long de la saison, c’est la Draft WNBA. Lundi 14 avril, elle va profiter d’un trou dans le calendrier avant les playoffs pour faire l’aller-retour vers New York et entendre son nom appelé par Cathy Engelbert. « J’ai vraiment hâte d’y être et que mon projet américain se concrétise », affiche-t-elle avec une sérénité débordante.
La première place en ligne de mire
Avec un statut de « top pick » ? « Totalement possible. Je vise la première place parce que je vise toujours le meilleur. » Ancien assistant au Sky de Chicago, son coach est aussi optimiste, mais pense que la « hype » autour de Paige Bueckers, préférée à la Française par ESPN dans sa « Mock Draft » (seulement 5e), finira par l’emporter.
« Si ce n’est pas en 1, mais en 2 (ndlr : elle rejoindrait sa coéquipière avec les Bleues Gabby Williams au Seattle Storm) ou en 3, c’est tout aussi bien. Et je serai tout aussi honorée et reconnaissante parce qu’un Top 3, c’est déjà quelque chose d’incroyable », qualifie Dominique Malonga qui préfère rester « neutre » quant à sa destination potentielle. Un podium serait dans tous les cas du jamais-vu pour une Française.
Et quelle fierté pour l’Asvel et la formation lyonnaise dont elle est issue. « On l’a vu arriver à 16 ans chez nous. Dès son arrivée de l’Insep, elle a intégré l’équipe pro à 100%. La voir continuer à évoluer, à prendre en maturité et à devenir une véritable patronne dans notre championnat, est un grand plaisir », énumère la directrice sportive du club et ancienne internationale, Paoline Salagnac.
Pour la dirigeante, l’intérieure a parfaitement répondu aux attentes générées après une année de prêt, à Tarbes, qui l’a fait changer de statut à son retour à l’Asvel.
« Ce statut ne l’a pas effrayée. Au contraire, elle a pris la pleine mesure de l’importance qu’elle avait dans notre équipe. » En 22 apparitions, elle est rarement passée à côté, terminant avec 12 double-doubles.
Des comparaisons avec Victor Wembanyama
Au-delà de la régularité, il y a la façon de faire. Dominique Malonga est un superbe alliage entre taille et mobilité, teinté d’une bonne dose de qualités athlétiques. Avec des mains sûres qui lui permettent de finir avec facilité à proximité du cercle. Mais aussi d’évoluer en périphérie, jusqu’à la ligne à 3-points où elle ne tourne encore qu’à 29%.
Ce jeu et son physique longiligne ont suffi à lui attirer des comparaisons. « C’est presque le même Ovni », résume le manager de la performance Sylvain Laupie en citant l’inévitable Victor Wembanyama. « Elle a un profil qui est complètement atypique. Et qui doit aussi révolutionner le basket, j’en suis certaine », renchérit Paoline Salagnac.
« Mobilité, adresse, vitesse d’exécution, vitesse gestuelle, compréhension, elle a tout », résume Yoann Cabioc’h, dont la joueuse dit avoir été influencée par Kevin Durant et Anthony Davis chez les garçons, Breanna Stewart, Candace Parker et A’ja Wilson côté filles. « Maintenant, il va falloir qu’elle étoffe sa dureté, qu’elle arrive à s’épaissir un peu, musculairement parlant », se projette son coach, qui a observé cette année ses progrès en défense ou sa capacité à finir malgré le contact.
Son truc en plus ? Le dunk
Un autre aspect de son jeu a braqué les projecteurs sur elle : sa capacité… à dunker. « On la voyait toujours le faire sur les entraînements, ça devient quelque chose de routinier pour elle. On est très heureux qu’elle ait pu le placer en match deux fois cette année parce que c’est aussi sa signature, un outil, une facette de Dominique », note Paoline Salagnac qui voit là une « source d’inspiration » possible pour les basketteuses de demain.
Pas question toutefois d’enfermer la joueuse dans la catégorie « simple » dunkeuse. Son geste, qui reste rare, l’intéressée le voit « comme un plus ». « Certes, je veux que ce soit vraiment une partie intégrante de mon jeu, mais ça va rester quelque chose de réfléchi. Ce sera toujours construit, comme n’importe quel tir », vise la jeune femme, consciente qu’un dunk en WNBA lui offrirait un maximum d’exposition.
Quid de son exposition en France à la veille de son départ américain ? Pas grand-chose de comparable avec la « Wembamania » qui avait secoué la Jeep Elite en amont de sa Draft. Ce dimanche après-midi, pour le dernier match de la saison régulière, le magnifique Palais des Sports de Lyon est très parsemé : 1 300 personnes sur une configuration à 3 000 personnes. Toute la saison durant, l’équipe féminine de l’Asvel a connu des affluences très aléatoires.
Dans les travées, aucun supporter croisé avec un maillot de l’équipe sur le dos. Dans l’une des ailes de l’enceinte, un groupe d’étudiants, tee-shirt blancs, tambour et mégaphone, est chargé de mettre l’ambiance durant le match. Dominique ? Une jeune fille du groupe avoue ne pas la connaître. « On n’est pas spécialement fans de basket… »
Un faible impact médiatique
« Le basket féminin en général, je ne sais pas pourquoi, ça ne marche pas », tranche, depuis la tribune presse, Norbert Bonnet, journaliste sportif du quotidien local Le Progrès, seul autre journaliste présent en conférence de presse d’après-match. Celui se demande pourquoi les audiences de son site n’ont pas décollé, comme avec Marine Johannès par le passé. Même quand la géante Malonga a dunké justement.
Dominique Malonga sur ses objectifs :
« Les gens ne se rendent pas compte du joyau qu’on a. Même pour le public du basket lyonnais, la WNBA c’est un peu abstrait », analyse Sylvain Laupie. Malgré l’intérêt grandissant pour le championnat féminin, aux États-Unis au moins, ou la finale olympique de l’été dernier à laquelle elle a participé avec l’équipe de France face aux Américaines, Dominique Malonga n’a pas senti de surexposition cette saison donc.
« Je trouve qu’on ne fait pas assez de focus sur cette dimension un peu ‘game changer’ (le fait d’être draftée si haut). Avec Victor, on mettait ça beaucoup plus en avant. C’est lié au manque de médiatisation du basket féminin. Mais on a énormément de jeunes joueuses qui font des choses incroyables, qui vont évoluer demain aussi en WNBA. Je pense à Leïla Lacan, Carla Leite… » Des joueuses sélectionnées l’an dernier.
« Une joueuse générationnelle »
Souhaitant gagner la WNBA directement après sa Draft, la Française est attendue comme un nouveau porte-étendard tricolore outre-Atlantique. Ses dirigeants actuels, qui vantent sa maturité et un professionnalisme déjà exemplaire, n’en doutent pas une seconde.
« Je la vois devenir une ‘franchise player’ où qu’elle arrive de toute façon, peut-être pas cette année, mais en tout cas dans les deux-trois ans. Je la vois devenir une leader fantastique, une All-Star WNBA, une joueuse générationnelle », clame son coach l’imaginant, à terme, devenir « une des dix meilleures joueuses du monde ».
Malgré sa mentalité de « conquérante », Dominique Malonga, elle, préfère jouer la retenue. Des objectifs, l’intérieure, dont il a été annoncé son recrutement par le Fenerbahçe (« Il n’y a rien d’officiel », réagit-elle), en a plein la tête. Mais ceux-là restent tributaires du rôle qui lui sera attribué par la franchise où elle atterrira.
« Je sais que je ne vais pas arriver et leur mettre 30 points. Je vais vraiment y aller en observation, voir au training camp comment ça se passe. Après, je pourrais dire que je suis capable de faire ça ou ça. J’ai toujours été pragmatique, je n’aime pas être une ‘rêveuse’ qui aimerait être MVP alors que ce n’est pas atteignable. Je fais vraiment des trucs concrets, précis, par rapport à ce que je peux faire. »
Ambitieuse mais réaliste. Décidément, la comparaison avec Victor Wembanyama colle presque à tous les niveaux.
Photos et propos recueillis à Lyon.